Indice de réparabilité, un an après les bilans se dressent et divergent

Indice de réparabilité, un an après les bilans se dressent et divergent

le 22 février 2022
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L’indice de réparabilité a été déployé sur cinq familles d’appareils il y a un peu plus d’un an, en janvier 2021. Les associations de consommateurs, les fabricants, l’Ademe et les acteurs de la réparation commencent à dresser des bilans qui ne vont pas tous dans le même sens, à l'instar du rapport très critique publié en décembre 2021 par Que Choisir. En attendant ceux de l'Ademe et de HOP, voici les constats établis à ce jour...

Indice de réparabilité, un an après les bilans se dressent et divergent

Pour rappel, l’indice de réparabilité a été déployé il y a un an sur 5 catégories d’appareils pilotes : les lave-linge à hublot, les ordinateurs portables, les smartphones, les téléviseurs, les tondeuses à gazon (modèles filaires, à batteries et robotisés). L’indice se présente sous la forme d’une note sur 10, calculée sur la base de 5 critères (la disponibilité de la documentation technique, la démontabilité, la disponibilité des pièces détachées, le prix de ces dernières et un critère spécifique à la catégorie). L’étiquette comporte la note ainsi qu’une couleur variant graduellement du rouge au vert.

 

 

En 2022, l’indice sera étendu à de nouvelles catégories d’appareils : les aspirateurs, lave-vaisselle, lave-linge top et nettoyeurs haute-pression. Le Gifam a confirmé que les travaux d’élaboration sont en cours et que ces nouveaux indices paraîtront bien en 2022, a priori à l’automne. En revanche, la date exacte n’est pas encore définie.

Un indice auquel les consommateurs accordent de l’importance


L’Ademe prépare actuellement une étude sur cet indice, qui devrait être publiée au mois de mars. En attendant, l’Agence de la Transition écologique a déjà réalisé deux études (les baromètres « Les Français et l’indice de réparabilité ») en partenariat avec Samsung. La seconde édition, publiée en août 2021, montre que la notoriété de l’indice de réparabilité progresse auprès des consommateurs. Ils étaient 76% à en avoir déjà entendu parler contre 71% quelques mois plus tôt (en mars 2021). Intéressant : plus de 8 personnes interrogées sur 10 jugent cette information utile et assurent qu’ils la prendront en compte lors de leurs futurs achats. En bref, au bout d’un an, l’indice de réparabilité semble prendre le même chemin que l’étiquette énergie pour guider les choix des consommateurs.
Quant à l’association HOP (Halte à l’Obsolescence Programmée), elle a milité pour la mise en place de l’indice de réparabilité (et l’indice de durabilité prévu en 2024) et est engagée dans les groupes de travail. Elle a annoncé le lancement d’une coalition composée d’acteurs de la société civile et du monde de la réparation pour le contrôle de l’indice de réparabilité. Son but : vérifier son affichage en ligne et en magasin, s’assurer de la cohérence des notes et obtenir un retour d’expérience en vue d’éventuels ajustements. L’association travaille également sur une étude indépendante concernant cet indice, dont les résultats seront dévoilés le 28 février 2022.

 

Un an après le lancement de l’indice, l’association de consommateurs UFC Que Choisir en a dressé un portrait peu reluisant dans un rapport publié mi-décembre 2021. Il évoque notamment une «méthode de calcul bancale», ainsi qu’un affichage qui ferait défaut dans de nombreux cas.

Un rapport très critique de l’UFC Que Choisir 

Dans un rapport détaillé intitulé « une indispensable réforme pour le crédibiliser », l’association relève plusieurs écueils. Premier constat : un affichage qui fait défaut, surtout sur les sites de vente en ligne. L’UFC a traqué l’affichage de l’indice sur 9 sites. Il ne serait visible que sur 42% des produits, selon l’association. Quant à la grille de notation détaillée, elle ne serait affichée que dans 28% des cas.
Si l’on s’en tient à notre domaine d’expertise, à savoir l’électroménager, les lave-linge font même partie des produits pour lesquels l’affichage manque souvent (au moment de l’enquête, l’indice était affiché sur seulement 30% des appareils et la grille disponible pour 24%). Concernant les sites scrutés pour vérifier la présence de l’indice sur les lave-linge, Darty nous semble cruellement manquer dans le panel (composé de Leroy-Merlin, Boulanger, Cdiscount, Fnac, Castorama, E. Leclerc, Rue du commerce, Amazon, Carrefour), alors que cet acteur de poids de la vente d’électroménager nous paraît incontournable.
Il faut également savoir que lors de la mise en place de l’indice, il était prévu que les contrôles des notes et de l’affichage ne débutent qu’en 2022, ce qu’évoque d’ailleurs le rapport de l’UFC. Le relevé des notes ayant été réalisé par l’UFC fin 2021 (le 9 décembre), il sera surtout intéressant de vérifier d’ici quelques mois si les acteurs du marché se sont pliés à leurs obligations.
Plus grave : le rapport de l’UFC remet également en cause la méthode de calcul de l’indice, notamment le fait que le poids des critères soit le même dans la note, mais surtout que certains critères ne soient pas franchement discriminants (en faisant perdre des points aux produits, voire en les faisant passer directement dans le rouge) comme l’indisponibilité des pièces détachées ou leur prix élevé. L’association regrette en effet l’absence de « critères limitants ». « En pratique, une panne pourra se conclure par un remplacement à neuf, face à un appareil certes démontable mais dont les pièces détachées sont indisponibles ou trop onéreuses par exemple » explique l’UFC. Dans le cas des lave-linge, autre reproche : ils atteindraient trop facilement de bonnes notes au critère de démontabilité. De plus, selon le rapport, « les fabricants peuvent gonfler l’indice de réparabilité de leurs produits en se contentant simplement d’appliquer la loi… ». L’UFC fait référence à la directive d’écoconception européenne, qui impose aux fabricants de lave-linge de tenir leurs pièces détachées disponibles pendant 10 ans. Ce qui leur permet d’obtenir 6/10 à ce sous-critère.
L’association conclut ce rapport en demandant la révision de « la construction de l’indice de réparabilité afin qu’il reflète réellement l’aptitude d’un produit à être réparé » et d’imposer la mise à disposition systématique de la grille de notation détaillée.

"Nous sommes convaincus que l'indice de réparabilité constitue un premier outil efficace pour améliorer l’information délivrée aux consommateurs et faire émerger des lave-linge toujours plus réparables. C’est un outil de comparaison fiable pour le consommateur" déclare Camille Beurdeley, Déléguée Générale du Gifam.

Le Gifam défend l’indice de réparabilité

De son côté, le Gifam, qui a participé à l’élaboration de l’indice de réparabilité, défend cet outil français. Selon le groupement de fabricants, « l’indice remplit sa mission puisqu’il permet la comparabilité des appareils », le Gifam précisant que la note moyenne obtenue par les lave-linge s’élève à 7,2/10 et que les notes s’étalent de 5,1 à 8,8. Cet étalement serait bien le signe que l’indice permet de distinguer les appareils selon leur réparabilité. Le groupement précise également que ses adhérents ont dû calculer cet indice sur plus de 840 références de lave-linge à hublot et que ces 14 fabricants représentent 83% des ventes de lave-linge à hublot en France (source GfK). En outre, dans son étude Baromètre Trajectoires du Gifam, l’indice de réparabilité semble convaincre les consommateurs français, 8 sur 10 estimant que cet indice est fiable.
Interrogé sur l’affichage de l’indice, le Gifam n’a pas réalisé d’étude ; il assure que ses adhérents ont bien calculé l’indice de réparabilité de leurs appareils concernés et l’ont fourni aux distributeurs. Il revient alors à ces derniers de respecter leurs obligations en matière d’affichage.


Ce sont surtout les acteurs de la réparation, ceux qui œuvrent sur le terrain, qui pourront confirmer si l’indice reflète la réelle réparabilité des appareils ou s’il nécessite des ajustements.

Peut-on déjà juger de la pertinence de ce tout jeune indice ?

Nous rejoignons l’auteur du rapport de l’UFC sur certains points. À commencer par l’importance de la grille de notation détaillée, qui devrait être fournie aux consommateurs de manière plus systématique (pour leur permettre d’appréhender les points forts et points faibles des appareils). En l’occurrence, la loi demeure assez floue sur ce point puisque la grille doit être mise à disposition des consommateurs qui la demandent. Mais son affichage pourrait être rendu lui aussi obligatoire. Dans le calcul de l’indice, l’indisponibilité des pièces détachées pourrait aussi être plus pénalisante.
Mais selon nous, on manque encore de recul pour juger de la pertinence de l’indice de réparabilité. Et en l’occurrence, ce sont surtout les acteurs de la réparation, ceux qui œuvrent sur le terrain, qui pourront confirmer si l’indice reflète la réelle réparabilité des appareils ou s’il nécessite des ajustements.
Il convient aussi d’adopter une vision plus globale du secteur en ébullition de la réparation (et même du marché de l’électroménager), qui dépasse le cadre de l’indice de réparabilité. Car il ne faut pas oublier que le fonds réparation est en train d’être mis en place, que les pièces détachées issues de l’économie circulaire vont également arriver sur le marché, faisant de facto diminuer le prix des réparations. L’écart entre prix du neuf et prix de la réparation devrait ainsi se creuser, d’autant que si le rapport de l’UFC assure que « les prix présentent une forte tendance à la baisse ces dernières années », dans le cas de l’électroménager, la tendance est plutôt à la hausse ces derniers mois, une tendance qui devrait se confirmer au minimum sur l’année à venir.
Les nombreuses initiatives en faveur de la formation de techniciens devraient contribuer à lever d’autres freins, notamment concernant la durée des réparations.
Enfin, il demeure une question qui nous semble importante et que peu d’études abordent. Si on cherche à démontrer l’intérêt croissant des consommateurs pour les gestes écoresponsables, tous n’ont pas cette sensibilité. Même si on lève tous les freins à la réparation (prix de l’intervention, des pièces, durée d’attente…), certains auront toujours tendance à se tourner plus volontiers vers du neuf pour éviter les tracas.

Il ne faudrait pas brouiller les pistes

Dans une volonté d’informer les consommateurs en quête d’appareils plus réparables et plus durables, certains distributeurs n’ont pas attendu la construction de l’indice de réparabilité officiel ni du futur indice de durabilité (à l’instar de Darty ou Ma Garantie 5 ans). Certains ont en effet développé leurs propres outils. Or, les résultats ne sont pas toujours concordants dans la mesure où les critères et les méthodes de calcul diffèrent. Mais nous nous posons souvent la question de savoir si en délivrant trop d’informations au consommateur (indice de réparabilité, étiquette énergie, indices et labels de distributeurs…), on ne finit pas par les noyer et finalement « diluer » le message principal.
Plus ennuyeux : certains médias et acteurs de la réparation établissent carrément des classements des « meilleurs élèves », mettant en avant les appareils ayant obtenu le meilleur indice de réparabilité. Ces initiatives pourraient fausser le message envoyé aux consommateurs. Il ne faudrait pas que ces classements fassent perdre de vue ce qu’est cet indice, à savoir un gage de réparabilité et non de fiabilité ; or, les appareils les plus réparables ne sont pas pour autant les plus fiables. La définition fournie par Erwann Fangeat, coordinateur du pôle écoconception et recyclage Ademe lorsqu’il évoque l’indice de durabilité, nous semble apporter un éclairage primordial : « la durabilité c’est la réparabilité avec en plus la fiabilité, la robustesse et l’amélioration des produits. Ce sont ces trois composantes : la fiabilité du produit, sa capacité à être réparable et sa capacité à évoluer ou à pouvoir être amélioré qui font sa durabilité ».
Enfin, en complément de l’indice de réparabilité – et du futur indice de durabilité –il nous paraît indispensable de rappeler aux consommateurs autant que possible (dans le discours des vendeurs, des associations, des réparateurs, des pouvoirs publics…) que la réparabilité ou même la durabilité d’un appareil ne doivent en rien se substituer à son entretien.

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