Le passeport numérique des produits, un outil de traçabilité au service du réemploi

Le passeport numérique des produits, un outil de traçabilité au service du réemploi

le 7 juillet 2025
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Sur décision de la Commission Européenne, le passeport digital des produits (DPP) sera déployé progressivement à partir de 2027. Son but : assurer une traçabilité des appareils à toutes les étapes de leur vie, depuis la fabrication, en passant par l’achat, les éventuels changements de mains et réparations, jusqu’au recyclage. Voilà pourquoi cet outil peut être notamment exploité au service du réemploi. D’ailleurs, certains acteurs ont anticipé et l’ont déjà mis en place – c’était l’objet d’une intéressante table ronde qui s’est déroulée lors du salon Reuse Economy Expo.

Le passeport numérique des produits, un outil de traçabilité au service du réemploi
Animée par Raphaël Masvigner, co-fondateur Circul’R, la conférence sur la traçabilité des produits qui a eu lieu à la Reuse Economy Expo a réuni (de gauche à droite) : Pascal Leroy, Directeur Général Wee Forum ; Xavier Lantoinette, Directeur de la performance environnementale ecosystem ; Régis Koenig, Directeur Réparation et Durabilité Fnac-Darty ; Frédérique Jousselin, Directrice Services et Qualité Beko ; Frantz Molerat, Directeur Performance Envie Nord.

À partir de 2027, le passeport numérique des produits va progressivement être appliqué sur les appareils électroniques puis plus tard sur l’électroménager. Il se matérialisera sous la forme d’un QR Code, donnant accès à de nombreuses informations. Le but est d’assurer une meilleure traçabilité des équipements. Cela facilitera la tâche de tous les acteurs œuvrant tout au long de la vie des appareils et favorisera éventuellement leur revente, donc l’allongement de leur durée de vie. Voici quelques exemples des possibilités offertes par cet outil. Un réparateur qui devra remettre en état un lave-linge pourra connaître l’âge de la machine et surtout son historique, notamment s’il est déjà tombé en panne, quel type de dysfonctionnement il a rencontré auparavant, ce qui pourra peut-être aussi lui donner des indications sur le soin que son propriétaire accorde à l’entretien… Autre cas concret : lors d’une reprise un pour un ou d’une collecte d’appareil, en visualisant le passeport numérique, le distributeur ou le prestataire en charge de la collecte pourra connaître instantanément l’âge du produit et son « histoire », ce qui facilitera le choix de l’envoyer au recyclage ou de le diriger plutôt vers une structure de l’ESS en vue d’un reconditionnement.

De nombreuses conférences se sont tenues à l'occasion du salon Reuse Economy Expo. La table ronde sur le thème de "La traçabilité dans l’économie circulaire, levier de passage à l’échelle du réemploi des Équipements Électriques et Électroniques (EEE) ?" a fait salle comble.

La France en avance sur ses voisins européens

Après s’être distinguée par sa loi AGEC, suivie par la mise en place d’un indice de réparabilité puis d’un indice de durabilité, en ce qui concerne le DPP, la France prouve une nouvelle fois son avance sur les autres pays d’Europe. D’abord parce que certains acteurs ont déjà mis en place des passeports numériques sur certains produits, prenant de l'avance sur la législation. C’est le cas du groupe Fnac-Darty, suivi depuis peu par Beko. En outre, ils sont soutenus dans leur démarche par ecosytem, qui encourage ce type d’initiatives.
Pascal Leroy, Directeur Général Wee Forum, explique justement que si la France est en avance sur ce point, c’est notamment grâce aux éco-organismes. Il constate en effet que « finalement, peu d’éco-organismes en Europe sont réellement au courant du DPP et de ce dont il s’agit ». La France est donc « très en avance » à plus d’un titre.
Lors de la table ronde, on nous confie que tout a commencé par un échange entre Arianee, spécialiste des passeports numériques (que la start-up a initialement développés pour les montres de luxe mais qui peuvent s’appliquer à tous les produits qui ont besoin de traçabilité), ecosystem et un responsable du groupe Fnac-Darty. Tous avaient déjà la volonté de tracer les produits mais surtout de porter ce suivi à une autre échelle : « on a tous nos propres outils de traçabilité, mais pour tracer des millions et des millions de produits, il va falloir autre chose qu’un fichier Excel ou qu’une base de données quelconque » développe Xavier Lantoinette, Directeur de la performance environnementale ecosystem.

Fnac-Darty suivi par Beko déploient déjà un DPP

Régis Koenig, Directeur Réparation et Durabilité Fnac-Darty, raconte en effet que l’entreprise avait déjà l’ambition de rendre les produits plus traçables - potentiellement ceux que le groupe distribue, ceux qu’il répare, qu’il reconditionne, mais également ceux de sa propre MDD Proline. La rencontre avec Arianee a été l’occasion dont le groupe n’a pas hésité à se saisir.« Concrètement, quand on fabrique un produit, on crée un passeport digital dans la blockchain qui contient toutes les informations qui concernent son origine. Ce passeport est matérialisé par un QR code qui est collé sur l’appareil. C’est en quelque sorte le pont physique avec la blockchain qui contient les données. Au moment où ce produit arrive en France, on peut scanner ce QR code pour écrire sur le passeport. Lorsqu’il est vendu et livré à domicile, on écrit à nouveau dessus. Quand on répare l’appareil, on écrit encore sur le passeport et on y remet un tampon… Et ainsi de suite tout au long de sa chaîne de vie, depuis sa fabrication jusqu’à sa fin de vie » explique-t-il.

Pour l’hébergement des données dans la blockchain, le groupe a pour partenaire Arianee, tandis que c’est GS1 qui fournit les QR Code assurant l'accès aux données.

Fnac-Darty, qui a ouvert la voie, a été rejoint par Beko Europe, qui s’est engagé à apposer des passeports sur des milliers de produits sortant de ses usines. Frédérique Jousselin, Directrice Services et Qualité Beko, explique ce choix. « Ce type de projet est parfaitement en adéquation avec notre ADN et avec nos valeurs. Pour nous, ce DPP, qui est une sorte de carnet de santé des produits, a un double intérêt. Premièrement, récupérer des informations essentielles tout au long de la vie des produits pour retravailler leur design et leur conception afin d’allonger leur durée de vie, faciliter leur utilisation, leur réparation et même leur recyclage. (…) Ensuite, cela participe à la satisfaction du consommateur ».

 

Des données au service des fabricants, distributeurs, réparateurs… et aussi des consommateurs

Si les acteurs qui interviennent sur le produit peuvent écrire sur le passeport, le consommateur, lui, peut aussi accéder aux données qu’il contient – mieux : certaines lui sont même destinées, à l’instar de la notice.
Régis Koenig voit même d’autres usages se profiler pour ce passeport. « Ce qui est très intéressant, c’est que l’utilisateur peut lui aussi scanner le QR Code pour accéder à une page qui reprend ces informations. C’est une opportunité de développer des services. Le consommateur pourra voir tout l’historique, ce qui a été écrit sur le passeport par tous les acteurs de la chaîne et aussi accéder à la notice, aux consignes de maintenance… Il pourra demander une réparation si nécessaire, pourquoi pas en un clic enregistrer le produit sur leboncoin pour qu’il ait une seconde vie… Donc c’est un outil de traçabilité mais aussi un outil client qui permet de développer des services, de créer de la valeur ».
Frédérique Jousselin (Beko) ponctue en décrivant ce DPP comme « un outil circulaire à usage collectif, qui va permettre à tous les intervenants d’avoir toutes les informations pour correctement utiliser le produit, le réparer et le recycler ». Selon elle, le passeport digital a même un rôle plus large et plus important à jouer dans l’allongement de la durée de vie des équipements : « c’est une façon d’inscrire dans l’esprit du consommateur la réparation, la seconde vie, la revente comme une option qui va devenir naturelle. Le recyclage n’est pas la seule option ».

Les auditeurs de la table ronde ont pu faire l'expérience de scanner un QR Code pour accéder à un passeport digital déjà en ligne.

Un puissant outil en faveur du réemploi, à condition d'entraîner tous les acteurs de la chaîne

À plus d’un titre, le DPP peut s’avérer un outil bien utile pour favoriser le réemploi des produits électriques et électroniques. D’abord à la revente. Fnac-Darty cite par exemple une étude réalisée par OpinionWay pour Envie selon laquelle 66% des Français ne feraient pas confiance à l’électroménager de seconde main… Pouvoir retracer l’historique peut participer à la réassurance. Outre la revente, il peut également être question de reconditionnement. Frantz Molerat, Directeur Performance Envie Nord, confirme que cela peut faciliter le travail des techniciens et leur faire gagner un temps précieux. Il évoque aussi un autre aspect auquel on ne pense pas forcément de prime abord : « ce passeport est un raccourci pour former les salariés plus facilement, notamment pour le diagnostic ».
Toutefois, bien qu'ils interviennent à différentes étapes de la vie des équipements, tous les intervenants s’accordent sur un point : pour que cet outil soit réellement efficace, il faut le développer collectivement. Il faut « embarquer » un maximum d’acteurs, présents à tous les maillons de la chaîne de vie des appareils.
« Pour mettre en place une économie circulaire, il faut changer un certain nombre de choses. Pour cela, il faut que l’ensemble des acteurs soient de plus en plus connectés, avec des partenariats dans toute la chaîne de valeur des produits (…) C’est valable non seulement pour les produits électroniques, mais pour tous les produits. Parmi ces choses qu’il faut changer, il y a un besoin de traçabilité pour comprendre d’où viennent les produits, ce qu’il y a dedans (on parle des métaux critiques, du plastique…), comment c’est assemblé, quelle éco-conception, quel éco-design sont à l’origine du produit… Et puis ensuite pouvoir retracer toute la vie de l’équipement » résume Xavier Lantoinette (ecosystem). Si le thème du réemploi a été particulièrement évoqué lors du salon Reuse Economy Expo, le DPP est aussi au service de l’éco-conception, du recyclage et de l’économie circulaire en général.

 

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