La Compagnie du SAV poursuit son action de participation à la structuration de la filière réparation et son implication dans la formation de jeunes techniciens à travers l’ouverture de classes dédiées. Le 10 mai, elle organisait deux tables rondes à la Maison de la Chimie, dans le VIIème arrondissement de Paris, sous le thème « Construire la filière réparation, une priorité de l’économie circulaire ». Ces échanges ont réuni des acteurs clés du monde de l’économie circulaire et de la formation. « Cette table ronde, j’aimerais que ce soit une mobilisation des acteurs principaux pour faire en sorte que cette filière soit véritablement soutenue et pérenne » déclare Laurent Falconieri – vaste programme.
La CSAV réunit les acteurs de l’économie circulaire et de la formation pour structurer la filière réparation
Alors que le fonds réparation se met en place et devrait booster les demandes de réparation, la Compagnie du SAV s’implique un peu plus dans la structuration de la filière et dans la formation de techniciens. Elle vient de réunir parties prenantes et acteurs clés à l’occasion de deux tables rondes. Sujets évoqués : fonds réparation, disponibilité des pièces détachées, attractivité de la réparation, formation des techniciens, mais aussi valeurs RSE…
Rendre la réparation attractive
Si les débats ont cette fois réuni des acteurs clés de la réparation et de la formation, l’importance de tous les acteurs de la chaîne y a été évoquée, notamment des fabricants et de la distribution. La filière doit se construire collectivement.
Le but de la première table ronde était de mener une réflexion sur la réparation et les manières de la rendre attractive. L’urgence environnementale nécessite d’agir rapidement, notamment en incitant les Français à réparer plus, sans attendre. « Il n’y a pas d’environnement s’il n’y a pas de filière de la réparation » explique Laurent Falconieri.
Erwann Fangeat étaie ce propos en citant des chiffres émanant d’études réalisées par l’Ademe. La phase la plus impactante est en effet celle de la fabrication, d’où l’importance de réparer plus pour fabriquer moins. D’autant que réparer présente à la fois un intérêt écologique et économique. Il remarque toutefois que les Français ont une attitude paradoxale vis-à-vis de la réparation car s’ils en ont une vision positive (pour 81% d’entre eux), le passage à l’acte est parfois compliqué : seulement un tiers des Français réparent ou font réparer leurs produits.
Lever les freins à la réparation
Or, le frein économique ressort en premier. À partir d’un tiers du prix du neuf, les consommateurs hésitent à faire réparer. C’est pourquoi le dispositif du fonds réparation, qui va consister à aider financièrement les réparations, est un bon levier, Erwann Fangeat précisant qu’une « garantie (NDLR : sur la réparation) pourrait donner un peu plus confiance ». C’est d’ailleurs prévu dans le cadre du fonds réparation puisque les réparateurs labellisés QualiRépar proposeront d’office une garantie minimum de 3 mois sur la réparation. Quant à trouver facilement un réparateur, pour l’instant, un annuaire est disponible sur le site de l’Ademe Longue Vie aux Objets – un annuaire des réparateurs labellisés QualiRépar sera également proposé au lancement du fonds réparation. L’indice de réparabilité (qui est en train de s’étendre à 4 nouvelles familles d’appareils : les lave-linge top, lave-vaisselle, aspirateurs et nettoyeurs haute pression) est également cité comme l’un des outils mis au service de la filière et des consommateurs. Les éco-organismes se sont largement appuyés sur ces études et constats de l’Ademe pour organiser le fonds réparation ; Nathalie Yserd estime d’ailleurs que « les leviers sont clairs ».
Le fonds réparation comme levier financier
Pour Laurent Falconieri, « le fonds réparation va être une formidable disposition très favorable pour l’environnement et les consommateurs ». Le dispositif sera lancé à l’automne 2022 sur des produits emblématiques et se déploiera plus amplement à partir de 2023.
Les représentants des éco-organismes donnent quelques exemples concrets du montant du bonus réparation. Pour un lave-linge, l’aide sera de 25 € (environ 21% du coût moyen de la réparation) et 20 € pour un micro-ondes pose libre (soit 36%). Pour s’assurer que ces aides – de l’ordre d’environ 20 à 25% du coût de la réparation - soient assez attractives, elles ont été testées auprès d’un panel de consommateurs.
René-Louis Perrier insiste aussi sur l’importance de la labellisation des réparateurs, qui fait partie intégrante du dispositif lié au fonds réparation : « le fonds a deux objectifs. Un forfait qui soutient la réparation mais également la construction d’un réseau labellisé, QualiRépar, qui doit renforcer la confiance du consommateur ».
Les pièces détachées : le nerf de la guerre
Parmi les freins identifiés par les acteurs du monde de la réparation, Laurent Falconieri cite les pièces détachées. Selon lui, il n’y a pas tant de problème d’accessibilité aux pièces, en revanche, la question du coût va bientôt se poser. Si on parle beaucoup de l’impact des prix actuels des matières premières sur la fabrication d’appareils neufs, elle impacte également le secteur des pièces détachées. Or, une possible augmentation du coût des pièces aura forcément une incidence sur le prix des réparations.
Selon le directeur général de la Compagnie du SAV, on observe des débuts de tension. « Si les matières premières continuent d’être aussi difficiles d’accès, la question se posera pour les fabricants de savoir s’ils mettent des pièces détachées sur des produits neufs ou à disposition pour la réparation ». En prenant l’exemple des smartphones, René-Louis Perrier ajoute que « on doit garantir la traçabilité des pièces détachées (…) d’où l’importance aussi de la labellisation des réparateurs ».
Quant au développement des pièces détachées issues de l’économie circulaire, cela ne pourra pas tout résoudre. Selon Laurent Falconieri, « tout n’est pas possible sur ce sujet » et on ne pourra pas tout faire avec les pièces de seconde main. « L’idée est excellente mais quand on parle de garantie et de qualité d’intervention, toutes les pièces détachées ne pourront pas être éligibles à cette notion d’occasion. Pour des pièces mécaniques ou esthétiques, c’est possible. Les pièces électroniques, les plus sensibles, posent question, notamment concernant la garantie et les risques pour le consommateur (électriques et de fiabilité) ».
Pas de réparation sans réparateurs
Le fonds réparation devrait indéniablement rendre la réparation plus attractive pour les consommateurs. Mais reste un frein de taille à lever : le manque de réparateurs, auquel s’ajoute une « pyramide des âges défavorable » dans la mesure où de nombreux départs en retraite sont à venir.
Laurent Falconieri rappelle : « il n’y aura pas de disposition favorable pour l’environnement autour de la réparation s’il n’y a pas de réparateurs. Dans ce métier, on est déjà en tension en termes de capacité à délivrer la réparation. On ne réussira le fonds réparation qu’à la seule condition d’apporter des délais acceptables pour les clients. Si le délai est trop long, le client ne réparera pas ».
Nathalie Yserd estime que « pour passer de 10 à 12 millions de réparation (NDLR : ce qui correspond aux objectifs fixés aux éco-organismes d’augmenter la réparation hors garantie de 20% sur 6 ans), il faut 3500 à 4000 réparateurs de plus ».
Si le fonds réparation est un véritable coup de projecteur sur les métiers de la réparation, il faut attirer des jeunes vers ce secteur. Pour cela, il faut « rafraîchir la communication autour de ce métier » estime Laurent Falconieri. On notera que les éco-organismes ont d'ailleurs commencé à communiquer activement, mais aussi Réseau Ducretet, sur le terrain du recrutement et de la formation des jeunes.
Accélérer la formation
Former des techniciens est indispensable et la formation doit prendre en compte plusieurs paramètres. D’abord les évolutions technologiques des appareils, de plus en plus connectés. Par ailleurs, elle doit former tout autant au savoir-être qu’au savoir-faire, ce qui est d’ailleurs l’un des enjeux de la labellisation. Car « il faut aussi qu’il y ait un échange constructif entre le réparateur et le consommateur. Le réparateur doit pouvoir expliquer comment la panne est intervenue, de quelle manière la prévenir et comment mieux utiliser l’appareil. Ce sont des actions autour de la réparation mais également de la pérennité d’usage du produit. C’est une autre évolution dans ce métier » d’après Laurent Falconieri.
Pour répondre au besoin urgent de techniciens, dès cet automne la Faculté des Métiers de l’Essonne lancera conjointement avec la CSAV une formation qualifiante d’un an aux métiers de la réparation – un dispositif « test » unique en France, selon le directeur général de la CSAV. Cette promotion accueillera 15 stagiaires qui ont déjà une base technique et les préparera justement au « savoir-faire et au savoir-être » nécessaires au métier de technicien réparateur d’électroménager.
Parmi les blocs de compétences intégrés à cette formation, Patrice Labayle évoque : l’établissement d’un diagnostic, la relation client, le développement durable dans l’évolution de ces métiers, le développement de la maintenance en lien avec les nouvelles technologies (maintenance prédictive, utilisation de la réalité augmentée). Car le but est aussi de préparer les nouveaux techniciens aux évolutions technologiques. Le reconditionnement sera également embarqué dans le projet.
Faire coïncider la formation et les besoins du monde de l’entreprise
Dans un contexte où l’emploi s’est dégradé selon le MEDEF, Henri Demonceaux constate que « sur le terrain, d’un côté les entreprises ont des offres d’emploi non pourvues et de l’autre côté, le taux de chômage ne diminue pas de manière sensible ». « On travaille sur des initiatives, comme celle menée avec la CSAV, qui consistent notamment à déceler quels sont les métiers en tension – et il y en a, dans la réparation mais aussi dans d’autres domaines comme les énergies renouvelables… » ajoute-t-il. Par exemple, pourquoi créer une nouvelle section dans un secteur, quand il y en a d’identiques qu’on a du mal à remplir à proximité ?
Laurent Falconieri évoque leur expérience commune de réunions organisées par l’éducation nationale, constatant qu’il y a une dichotomie entre d’un côté des jeunes qui sont « perdus », auxquels l’éducation nationale a du mal à proposer une voie, et des entreprises qui manquent de nouveaux talents. De ce point de vue, les deux hommes constatent « qu’il faut absolument faire bouger le monde de l’éducation nationale ». Le travail mené par la CSAV avec le MEDEF consiste justement à combler ce manque. Laurent Falconieri, qui s’implique en allant à la rencontre de jeunes pour leur expliquer le métier de la réparation, se réjouit que « ces actions concrètes permettent de transformer un doute, un gâchis, en quelque chose qui est une véritable opportunité et un avenir ».
L’initiative de formation qualifiante lancée cet automne pourrait être déployée sur l’ensemble de l’Hexagone, notamment sur les territoires en tension « et pas seulement pour la CSAV » précise Laurent Falconieri. Une autre manière d’aligner la formation avec les besoins.
Porter des valeurs autour de la mixité, du handicap et de l’insertion
Laurent Falconieri fait partie d’une commission formation insertion au sein du MEDEF, qui porte des valeurs qui lui sont chères comme l’environnement, l’emploi, la mixité, le handicap. Il milite pour voir plus de femmes rejoindre les métiers de la réparation. Quant aux personnes handicapées, elles y ont aussi leur place. « Dans le domaine du handicap, ce qui est intéressant c’est que dans le secteur de la réparation, il n’y a pas seulement la réparation à domicile. Il y a aussi le renconditionnement, la prise de commande, l’accueil du client au téléphone, la détection des incidents, le diagnostic à distance… Des personnes à mobilité réduite peuvent tout à fait trouver leur place au sein de l’entreprise » explique Patrice Labayle.
Quant à Henri Demonceaux, il parle « d’emplois sains ». La manière dont il les définit colle parfaitement avec les métiers de la réparation : « il s’agit d’emplois qui correspondent à un besoin. Il faut que l’emploi soit durable (NDRL : même si le métier évolue précise-t-il) et qu’on y respecte les principes du RSE ».