Comme son nom l’indique, la collecte préservante consiste à prendre soin des équipements collectés lorsqu’ils sont en panne ou en fin de vie dans le but d’augmenter leur potentiel de réemploi et de réutilisation. L’éco-organisme ecosystem a mis en place le système de collecte préservante « Je donne mon électroménager » dès 2021 à l’état de pilote puis a déployé le dispositif dès 2022 sur quatre départements d’Ile-de-France. Il concernait alors 2,5 millions d’habitants. Depuis, il s’est élargi et couvre Paris, une bonne partie des départements d’Ile-de-France, ainsi que certaines communes des régions Auvergne-Rhône-Alpes et Provence-Alpes-Côte d’Azur. Dans son rapport annuel 2022, ecosystem a annoncé son ambition de proposer ce service dans toutes les zones urbaines denses de France à horizon 2027 ; il devrait alors toucher 20 millions d’habitants.
Collecte préservante d’électroménager : prendre soin d’un gisement qui se raréfie
Encouragés par les dispositions de la loi AGEC, les Français ont pris de nouvelles habitudes. Ils réparent plus leurs appareils électroménagers et ils les achètent plus volontiers reconditionnés. Mais le gisement d’équipements reconditionnables n’étant pas infini, il faut veiller à en prendre soin pour augmenter leur réemployabilité. C’est le principal objectif de la collecte préservante, qui dans le cas de l’électroménager, s’effectue directement chez le consommateur.

Un retrait gratuit, à domicile, sur rendez-vous
Le service « Je donne mon électroménager », accessible depuis le site du même nom, s’adresse à tous les consommateurs qui vivent dans les zones géographiques couvertes. Il suffit d’y entrer son adresse pour savoir si c’est le cas et pour éventuellement prendre un rendez-vous. On choisit alors le jour et un créneau lors duquel aura lieu la collecte. À l’occasion du salon Reuse Economy Expo, nous avons rencontré Benjamin Carlu, directeur des opérations d’Ecogem, l’entreprise qui a inventé ce service de collecte préservante et le gère pour le compte d’ecosystem. Lors de notre échange, Benjamin Carlu a souligné les bénéfices de ces « créneaux resserrés (de 2 h), qui ne nécessitent pas de rester toute la journée chez soi ». En effet, le service se veut facile à utiliser et pratique, des conditions indispensables à son succès.
La praticité ne s’arrête pas là puisque la collecte s’effectue bel et bien au domicile, non pas sur le trottoir ni devant l’habitation ou au pied de l’immeuble. Comme le précise le site, la seule condition est que l’appareil soit « accessible et débranché ». Les personnes qui ont des difficultés à porter ou qui vivent dans un logement sans ascenseur apprécieront clairement le coup de main.
Le but étant de préserver les appareils en vue d’un possible reconditionnement, on pourrait penser que seuls les équipements encore en état de fonctionner sont collectés via ce service. En réalité, il est possible de demander la collecte de tout appareil électroménager dont on souhaite se séparer, qu’il soit en état de marche, en panne ou en fin de vie ; le tri sera fait par la suite.
Collecter du gros électroménager mais aussi du petit
Les appareils concernés par la collecte préservante ? La plupart des équipements de GEM – lavage, froid, cuisson – et également le PEM. Mais selon Benjamin Carlu, les produits les plus fréquemment collectés demeurent les appareils de lavage, en priorité les lave-linge (hublot et top sans distinction) ainsi que les lave-vaisselle et dans une moindre proportion, les sèche-linge. Il remarque en revanche que « les gens se libèrent moins des appareils de cuisson ». « Il y a aussi des saisonnalités. En été, on récupère plus de froid, par exemple » remarque-t-il. Quant au petit électroménager, selon lui, les gens profitent souvent du passage des opérateurs pour faire le tour de leur cave et céder d’autres petits appareils qui "traînent".
On peut souligner que l’éco-organisme n’est pas le seul à proposer ce genre de service de collecte à domicile, c’est aussi le cas de certains réparateurs et reconditionneurs, à l’instar de Murfy ou Darty.
Un service de collecte qui profite aux consommateurs et aux ESS, mais pas seulement
Pour les particuliers qui souhaitent se défaire d’un appareil électroménager dont ils ne veulent plus, les atouts du service Je donne mon électroménager sont évidents. Mais le processus profite également aux structures de l’économie sociale et solidaire, qui reconditionnent les appareils. En effet, les équipements collectés dans le cadre du service rejoignent un centre de stockage puis sont diagnostiqués avant d’être orientés, soit vers le flux des DEEE pour recyclage, soit vers les ESS pour reconditionnement. Les équipements que ces derniers reçoivent en vue d’une remise en état sont donc de meilleure qualité, non seulement parce qu’ils ont été préservés mais aussi parce qu’ils ont été triés en amont. ecosystem dispose de trois centres logistiques, à Paris, à côté de Nice et depuis peu à Villeurbanne.
Certaines mairies profitent aussi du service mis en place par ecosystem, comme nous l'explique Benjamin Carlu : « cela permet de décharger les services de collecte des encombrants des villes. Elles préfèrent détourner leurs services de collecte vers Je donne mon électroménager ; cela leur permet d’organiser des collectes chaque jour puisqu’elles se font sur rdv ». Les mairies peuvent ainsi proposer à leurs administrés un système de collecte efficace tout en soulageant leur propre service – et en limitant au passage les dépôts sauvages et autres appareils qui traînent sur les trottoirs durant des semaines.
Augmenter le taux de réemployabilité en prélevant le plus en amont possible
Avec son service Je donne mon électroménager, ecosystem n’en est pas à son galop d’essai en matière de collecte au plus près du consommateur. En effet, l’éco-organisme avait déjà mis en place Je donne mon téléphone, qui permet d’expédier gratuitement un ancien appareil dans une enveloppe pré-affranchie. Mais dans le cas de l’électroménager, forcément, la logistique n’est pas la même. Lourds, encombrants et moins maniables, en particulier dans le cas du GEM, ces produits sont moins faciles à déplacer. Pour diverses raisons, il est bien moins aisé pour le consommateur de déposer un GEM dans un point de collecte ou en déchetterie (poids à porter, absence de véhicule, véhicule non adapté…) qu'un téléphone ou un petit équipement. D'où la collecte à domicile, qui fait déjà sens.
Ensuite, comme nous l’a récemment indiqué ecosystem lors d’un entretien qui a eu lieu durant le salon Reuse Economy Expo, le gisement d’appareils de qualité, potentiellement réemployables, tend à se raréfier. Patrick Richard, Directeur du développement chez ecosystem, soulignait en effet que « le gisement est de moins en moins important et de moins en moins qualitatif ». Certains appareils sont quoi qu’il arrive trop vieux ou en trop mauvais état pour connaître une autre vie. Mais d’autres sont réemployables ; l’enjeu de la collecte préservante est de les garder en état jusqu’à leur reconditionnement. Pour Benjamin Carlu, « la collecte préservante a un impact fort ». Il précise que « Si le produit n’a pas été collecté de cette manière, il peut avoir être cogné et par exemple, un lave-linge ne peut pas redémarrer si son châssis est déformé ». Les appareils cabossés ne sont qu'un exemple ; ils peuvent aussi être restés dehors sous la pluie, ils ont pu être vandalisés (câbles arrachés ou composants prélevés sans précaution…) ou abîmés pendant le transport... En prélevant l’appareil le plus en amont possible, directement au domicile des consommateurs, on le préserve au maximum.
D'après le bilan 2024 d'ecosystem, « grâce à ces « hubs » mis en place il y a 2 ans, on constate que le taux de réemploi s’est amélioré progressivement, pour atteindre les 30% à la fin de l’année 2024 ». Et l’éco-organisme pense qu’il est possible d’optimiser encore ce chiffre : en 2022, au lancement du service, il indiquait que le taux de réemploi de ces appareils collectés à domicile pouvait atteindre presque 40%, soit deux fois plus que dans le cas des équipements récupérés en déchetterie, via le un pour un….
Enfin, développer la collecte préservante directement à domicile évite également que les équipements échappent à la filière et soient récupérés sur le trottoir par des ferrailleurs ou des filières clandestines, auquel cas ils ne sont pas démantelés ni dépollués dans des conditions adéquates.