En 2018, l’Etat s’est engagé dans une réforme de la formation professionnelle qui se veut disruptive…. Dans ce contexte, que peut-on souhaiter à l’apprentissage ?
L’année 2018 constituera un exercice de transition et d’adaptation aux nouvelles réglementations qui en résulteront. La future loi sur la formation professionnelle devant être promulguée au printemps prochain, elle ne devrait s’appliquer qu’en 2019.
Nous sommes assez confiants sur les mesures qui se dessinent pour développer l’apprentissage. Le renforcement du rôle des branches professionnelles semble acquis pour répondre aux besoins des entreprises. Cette démarche est essentielle pour assurer l’efficacité de la formation des jeunes à nos métiers. Cependant, il ne faut pas tomber dans les travers d’une gestion en silos, branche par branche, quand les besoins de compétences deviennent de plus en plus transversaux dans le contexte de la transformation digitale. La régulation concertée avec les Conseils Régionaux semble aller dans ce sens et nous restons en veille sur les évolutions des négociations.
Quelles seraient les conséquences pour vos CFA ?
Notre association Réseau Ducretet s’inscrit déjà dans cette logique de gestion de l’apprentissage par les branches professionnelles, et ce depuis sa création en 1992. Aujourd’hui, notre dispositif est un modèle de ce qu’il conviendrait de déployer. Le concept qui avait été mis en place par ses fondateurs, Thomson, Fedelec et Fenacerem, celui de « l’adéquation dynamique emploi-formation », s’est avéré particulièrement efficient. L’intérêt d’une telle démarche est plus que jamais d’actualité. Les résultats de nos CFA le prouvent avec un taux moyen d’insertion professionnelle des apprentis de l’ordre de 90%, une performance constante depuis 25 ans.
«Notre dispositif est un modèle de ce qu’il conviendrait de déployer. Il y a trois ingrédients à notre recette... »
Pouvez-vous revenir simplement sur les grandes lignes de ce concept de « l’adéquation dynamique emploi-formation » ?
Je dirais que le principe repose sur le bon sens et le pragmatisme. Il y a trois ingrédients à notre recette. Premièrement, une gestion du dispositif de formation professionnelle assurée par les organisations professionnelles représentant des acteurs de la filière professionnelle, industriels, opérateurs, distributeurs et sociétés de service.
Deuxièmement, une veille technologique et économique permanente qui alimente notre ingénierie de certification, c’est-à-dire la conception et l’adaptation régulière des référentiels des formations préparant à nos métiers : vendeur, conseiller, technicien, etc... Les titres 1 que nous fabriquons sont positionnés en aval des diplômes de l’Education Nationale, soit au niveau BAC + 1 an.
Troisième ingrédient : une mise en œuvre de ces formations dans le cadre de la pédagogie de l’alternance, via le contrat d’apprentissage. Les programmes sont centrés sur le développement des compétences métiers et la durée des cursus est limitée à 1 an dans la majorité des cas. Notre dispositif permet une employabilité directe et une évolutivité des apprentis en sortie de formation.
C’est la mise en œuvre de ce processus qui a permis de former avec succès plus 8 400 apprentis spécialisés à nos métiers spécifiques. Ce modèle est gagnant mais il implique un fort engagement des professionnels. Tous les administrateurs sont bénévoles pour représenter leurs fédérations. Les professionnels doivent se prendre en main pour s’impliquer dans la gestion de la formation professionnelle, c’est un investissement gagnant, même si cela est très compliqué sur le plan du financement de nos CFA.
« Il faut trouver près de 2 millions d’euros pour assurer l’équilibre budgétaire. C’est le défi à relever tous les ans ! »
Comment un CFA se finance-t-il pour former les apprentis ?
Dans le cas des CFA du Réseau Ducretet, le coût moyen de la formation d’un apprenti peut varier de 7 000 à 11 000 € suivant les types de formation et les implantations géographiques. A cet endroit, vous pouvez noter, par comparaison, que le coût de formation d’un lycéen serait de l’ordre de 12 000 €.
Prenons un exemple standard sur la base d’un coût de formation de 9 000 €, le CFA dispose alors de deux ressources. D’une part, les subventions des Conseils Régionaux, celles-ci couvrant environ 40% de la charge, soit 3 600 €. D’autre part, la taxe d’apprentissage versée par l’entreprise d’accueil dont le montant moyen est de 2 000 € en moyenne.
De fait, chaque apprenti accueilli dans un CFA provoque un déficit financier de 3 400 €. A l’échelle du Réseau Ducretet qui forme plus de 550 apprentis, il faut trouver près de 2 millions d’euros pour assurer l’équilibre budgétaire. C’est le défi à relever tous les ans !
"Il faut obtenir le versement d’environ 10 à 20 entreprises pour compenser le déficit d’un seul apprenti »
Et comment est-il possible d’atteindre cet objectif ?
Nous agissons sur 2 leviers. Le premier consiste à solliciter les fonds libres de taxe d’apprentissage qui sont gérés par les branches professionnelles. Ces fonds sont collectés par les OPCA comme AGEFOS, OPCALIA, FORCO… et, sur décision paritaire des branches, ils peuvent être redistribués à des CFA.
Le second levier, le plus sensible, repose sur le principe de la mutualisation et de la solidarité au sein des branches, c’est à dire la mobilisation des entreprises d’un secteur économique pour financer les CFA. Selon les cas, il faut obtenir le versement d’environ 10 à 20 entreprises pour compenser le déficit d’un seul apprenti. Ce sont ces versements, volontaires et responsables, qui participent à l’équilibre budgétaire. Voilà donc l’enjeu de la collecte de taxe d’apprentissage 2018 et je formule le vœu qu’un plus grand nombre de chefs d’entreprises de l’industrie, des commerces et des services soutiennent les CFA du Réseau Ducretet qui forment les jeunes à leurs métiers.
A la prochaine rentrée 2018, le titre CSEM (Conseiller Services en Electrodomestique et Multimédia) va s’ouvrir aux domaines de l’IoT et du Smart Home...
En décembre dernier, lors de la remise, vous avez évoqué les projets 2018 du Réseau Ducretet. Pouvez-vous revenir sur les points principaux ?
Les décisions stratégiques prises par notre conseil d’administration en 2010 se sont avérées très pertinentes pour répondre aux nouveaux besoins des entreprises, notamment dans le Très Haut Débit où le Réseau Ducretet est devenu leader en matière d’apprentissage aux métiers du FttH. Depuis 2015, nous nous sommes engagés auprès de nouveaux partenaires, comme la FFD et l’IGNES, dans le développement de nouvelles formations à la « Maison Connectée ». L’investissement commence à porter ses fruits avec la certification du nouveau titre TSMC (Technicien Services de la Maison Connectée) qui permettra de former des apprentis à ce métier émergent.
Dans cette dynamique, nous travaillons également sur l’adaptation d’autres certifications visant les métiers du domaine des objets connectés. C’est le cas du le titre CSEM (Conseiller Services en Electrodomestique et Multimédia) qui va s’ouvrir, dès la rentrée 2018, aux domaines de l’IoT et du Smart Home. Cet exemple est significatif de l’importance du développement des services à distance qui ont été mis en évidence dans l’étude conduite pour le compte de l’ADEME « L’impact du développement des objets connectés sur la réparation, les compétences et la formation ».
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Taxe d’apprentissage 2018 Pourquoi ? Pour qui ? 12/01/2018