Comment Findis et Pro vont-ils unir leurs forces pour muscler la proximité ?
Comment Findis et Pro vont-ils unir leurs forces pour muscler la proximité ?
le 10 octobre 2025
, par Eric Shorjianhttps://www.linkedin.com/company/neomag/
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Suite à l’annonce de la prise de contrôle du groupe PRO&Cie par le Groupe Findis, nous avons souhaité interroger en détail Frédéric Jumentier, Président de Findis et Christophe Pilois, Directeur de Findis Pro sur les raisons, les modalités et les implications de cette opération. Poure eux, le rapprochement entre Findis et Pro&Cie va au-delà d'une opération capitalistique. Mutualiser les forces d’achat, optimiser la logistique, renforcer la compétitivité des magasins indépendants : le rapprochement entre les deux acteurs marque une volonté de consolidation stratégique dans un paysage français de la distribution en recomposition. Interview exclusif.
Neomag. Quelles sont les motivations profondes qui vous ont conduit à franchir le pas du rapprochement entre Findis et Pro&Cie ?
Frédéric Jumentier. Au sein de Findis, nous avons toujours eu la vision que le secteur de la proximité avait besoin de se consolider. Dans ce métier complexe, la taille permet de réaliser les investissements importants requis pour proposer un service performant aux magasins. Des investissements dans la disponibilité des produits (grâce au montant du stock, aux surfaces et aux équipes logistiques), des investissements dans la présence commerciale et dans les outils informatiques. L’animation d’enseignes de qualité requiert également de lourds investissements, avec le travail réalisé pour les adhérents sur la partie digitalisation, concepts, communication… Ajoutons à cela que, depuis plusieurs années, sous la pression d’Internet, l’espace de marge se réduit pour tout le monde, marques et distributeurs. Ceci accélère encore la consolidation. J'ai donc trouvé que le rapprochement avec Pro&Cie avait vraiment beaucoup de sens. Nous avons le même ADN, focalisé sur la proximité. C’était vraiment le rapprochement à faire maintenant pour créer un acteur puissant et le plus solide possible.
"Il y a véritablement une opportunité qualitative pour les magasins"
Christophe Pilois. Comme l’évoque Frédéric, nous avions un constat commun. Autour de nous des acteurs, aussi bien en amont côté fournisseurs qu’en aval côté distributeurs, ne nous ont pas attendus pour se concentrer et massifier les flux. Dans ce contexte, il fallait absolument peser davantage dans la négociation avec nos fournisseurs. Avec le nouveau groupe Findis au périmètre élargi avec Pro, il y a véritablement une opportunité qualitative pour eux, de montée en gamme, de mise en avant de leurs produits dans nos magasins avec le savoir-faire de l'ensemble de nos points de vente indépendants.
Neomag. A quel moment ont démarré les discussions ?
Frédéric Jumentier. Nous avons commencé à nous parler en début d'année et nous sommes allés très vite vers une compréhension mutuelle de l’intérêt du rapprochement. Les discussions ont été extrêmement fluides et rapides.
Neomag. Concrètement, comment s’organise l’opération sur le plan opérationnel ?
Frédéric Jumentier. A côté de la branche « Findis EIS », qui gère historiquement la partie électroménager, image & son du Groupe, nous avons donc créé la branche « Findis Pro », qui reprend l’ensemble des activités existantes du Groupe Pro.
Cela permet à Christophe et à toute son équipe de direction (Régis Rémiatte, Thierry Grousset, Sébastien Chabanon et Sandra Plenert) de rester aux manettes, comme aujourd’hui. Dans le même temps, ils deviennent tous les cinq actionnaires du Groupe Findis. Ils y rejoignent la quinzaine de managers clés du groupe qui sont également actionnaires à mes côtés. Je tiens à souligner que je n'aurais pas fait cette acquisition si Christophe et son équipe n'avaient pas été partants pour rester avec nous, tant au point de vue opérationnel que capitalistique.
"Nous allons vers un modèle mixte dans lequel on continue à fonctionner avec des camions en propre, pour l’ensemble du groupe élargi, et des prestataires externes"
Neomag. Vous évoquez ce qui vous rassemble. Il y a quand même des différences non ?
Frédéric Jumentier. Au niveau des deux groupes, chacun dispose d’un réel savoir-faire. Chacun a une offre pertinente, une logistique et des outils performants à la disposition des magasins et des enseignes. Et de formidables équipes engagées et compétentes ! Nous n’avons pas du tout l'intention de bouleverser tout cela. Le fonctionnement de la partie Findis EIS ne change pas, ni celui de l'enseigne Pro&Cie. Il y a cependant de légères différences entre les modèles. En termes d’animation réseau, Findis a toujours déployé une force de vente extrêmement présente sur le terrain. Cela dans le but d'apporter du conseil et du service au magasin. Avoir une force de vente sur le terrain, c’est aussi un outil de prospection. Du côté de Pro, les animateurs sont en nombre plus réduit (5 aujourd’hui). Deuxième différence : le transport. Findis a fait le choix quasiment exclusif d'un transport réalisé par des prestataires externes. Cela a l’avantage d’une très grande flexibilité. De son côté, Pro dispose d’un transport dédié. Cela crée un lien de fidélité avec le magasin mais a des inconvénients de rigidité à la hausse comme à la baisse. Après réflexion avec Christophe, nous sommes vite arrivés à la conclusion que nous n’allions pas changer les fondamentaux de nos modèles, qui chacun ont trouvé leur place sur le marché. Il y aura quelques évolutions sur le transport cependant : du côté de Findis EIS, nous allons développer des tournées avec des chauffeurs dédiés pour les zones les plus denses. Du côté de Findis Pro, un peu de souplesse de temps en temps grâce au recours à des prestataires externes devrait permettre de mieux faire face à des pics d’activité. Ainsi, nous allons vers un modèle mixte dans lequel on continue à fonctionner avec des camions en propre, pour l’ensemble du groupe élargi, et des prestataires externes.
"Deux sujets importants vont changer, apportant des bénéfices supplémentaires aux magasins Pro&Cie"
Neomag. Qu’est ce qui va changer dans le quotidien des magasins sous enseigne Pro&Cie et Gitem?
Christophe Pilois. Nous n’allons pas changer le modèle d'animation commerciale de Pro&Cie. Nous maintenons le développement de l’enseigne tel qu'il existe, tel qu'il a toujours existé, en travaillant les aspects marketing et communication de l’enseigne, qui vont demeurer spécifiques, et en s'appuyant sur la performance de nos animateurs de réseaux. Ce point est primordial.
Les clients Pro&Cie vont garder l'outil PacteNet et les outils magasins, logiciel de caisse et table collaborative. Cela fonctionne très bien. Il n’y a aucune raison de changer cela. Deux sujets importants vont changer, apportant des bénéfices supplémentaires aux magasins Pro&Cie. Cette opération va en effet leur donner la possibilité d’élargir leur offre en ayant accès à des référencements sur des produits Arts de la Cuisine, voire de Bricolage, sur lesquels Findis est très présent. Un référencement qu’ils n’avaient pas auparavant. Par ailleurs, Findis a développé depuis de nombreuses années une expertise à destination des cuisinistes, et sait proposer aux ménagistes les outils qui leur permettent d’entrer sur ce métier, et ainsi de continuer à diversifier leur activité. De nombreux magasins Pro&Cie voudront probablement saisir ces opportunités qui les renforcent.
"Il est important que nous ayons des discussions ouvertes tous ensemble pour évoquer la stratégie future de développement"
Frédéric Jumentier. Je le souligne à nouveau, c’est vraiment un rapprochement, dans le sens où l’ADN de chaque Groupe sera respecté. Les magasins sous enseigne Findis sont très qualitatifs. Le réseau de magasins Pro est un réseau de valeur, avec de très beaux magasins. Et le réseau Gitem, avec qui Pro a un accord privilégié, est également un réseau avec de très beaux points de vente. Avec Christophe, nous rencontrons dans leurs magasins, très prochainement, les présidents des adhérents Pro et Gitem. Une réunion est également prévue avec le conseil d’administration de l’association Pacte, et nous allons organiser des rencontres avec les instances dirigeantes de Gitem. Il est important que nous ayons des discussions ouvertes tous ensemble pour évoquer la stratégie future de développement.
Neomag. Est-ce qu’il y a des chevauchements d’enseignes et comment allez vous les gérer ?
Frédéric Jumentier. Il y a peut-être une dizaine d'endroits où il y a dans le même bassin commercial une enseigne Pro&Cie et, par exemple, une enseigne Extra, Proxiconfort ou BlancBrun. C’est très limité et ce sont des magasins qui cohabitent depuis des années et des années. De la même façon qu’il y a des cas où des enseignes Proxiconfort, BlancBrun et Extra sont sur les mêmes zones de chalandise sans que cela soit problématique.
"Nous constituons un leader puissant de la proximité qui pèse 400 millions d’euros de chiffre d’affaires HT"
Neomag. Entrons dans la mise en œuvre opérationnelle. La logistique a été évoquée, qu’en est-il des autres synergies ?
Frédéric Jumentier. Le chantier principal à la source de ce rapprochement, c'est vraiment celui de la puissance d’achat. Dans cette opération entre nos deux entreprises tournées vers la proximité, Pro rejoint Findis aux achats et, de fait, sort d’ADE.
Grâce à ce rapprochement, nous constituons un leader puissant de la proximité qui pèse 400 millions d’euros de chiffre d’affaires HT et qui garantit aux marques la distribution qualitative de leurs produits, cohérente avec les conditions d’achat qui sont concédées. Nous pensons que cette approche-là est saluée par les marques. Une fois que nous aurons bien calé les choses dans ce périmètre élargi, nous ne fermerons pas la porte à ce que d'autres groupes tournés vers la proximité nous rejoignent. S’il y a d'autres alliances possibles à faire, nous verrons cela dans un deuxième temps…
"On le sait, l’indice moyen de vente de la proximité est 30% supérieur au marché"
Neomag. La grande distribution pèse lourd en termes de puissance d’achat. Cette opération de consolidation est-elle suffisante pour rivaliser ?
Frédéric Jumentier. Notre valeur ajoutée vis-à-vis des marques réside dans la nature du service rendu. Notre Groupe dispose d’une capacité supérieure à aller irriguer la France au plus près des consommateurs, avec des produits haut de gamme vendus de façon extrêmement qualitative. On le sait, l’indice moyen de vente de la proximité est 30% supérieur au marché. C’est cela que viennent chercher les marques avec nous. Car, au final, la rentabilité des marques se joue beaucoup sur la vente de leurs produits haut de gamme.
Christophe Pilois. Nos réseaux ont la capacité à mettre en avant physiquement des produits sur les troisièmes et quatrièmes quartiles, avec le conseil à la vente. Des produits sur lesquels nous avons cette valeur ajoutée via nos adhérents. Par notre rapprochement, nous avons donc, à la fois, une puissance d’achat, une puissance de qualité de service et une faculté à monter en gamme.
"La réparation permet de monter le niveau de marge et la rentabilité des magasins"
Neomag. Un grand nombre de vos magasins ont une activité historique dans la réparation des appareils ? Même si vous n’êtes pas directement impliqués dans leur activité de SAV, pensez-vous pouvoir les aider sur ce sujet ?
Frédéric Jumentier. Les magasins de nos enseignes sont quasiment tous, avec leurs équipes propres, des réparateurs électroménagers. C'est une des raisons qui expliquent pourquoi ils se portent correctement aujourd'hui, malgré le marché en baisse. La réparation permet de monter le niveau de marge et la rentabilité des magasins. C’est aussi un canal de recrutement de nouveaux consommateurs et un vecteur de renforcement de l'image auprès des clients existants. Malheureusement, nos magasins, comme le reste du marché, sont soumis à la pénurie de techniciens. Assez souvent, ils ont plus de demande qu'ils ne peuvent fournir. Embaucher un technicien de plus n’est pas facile et il y a de moins en moins de jeunes techniciens qualifiés sur le marché. Nous travaillons sur le sujet qui est de donner plus de visibilité à ce groupement de réparateurs pour qu'ils accèdent à la fois à des contrats de réparation nationaux, à plus de formations, et le cas échéant, qu'ils aient une meilleure capacité à recruter des techniciens.
Christophe Pilois. Nous constatons que pour les magasins qui font de la réparation, il y a globalement une fréquentation en magasin et un commerce qui se maintient à un niveau tout à fait satisfaisant. Et cela d’autant plus s’ils sont labellisés QualiRepar. C’est très favorable pour nos adhérents et cela les amène à rester confiants.
"En ce qui concerne la consolidation du marché, il est clair que le mouvement de concentration ne va pas s’arrêter"
Neomag. Comment voyez-vous évoluer le marché de l'électroménager ?
Frédéric Jumentier. C'est une question très large. Mais je pense que la question clé pour nos métiers, c’est celle de la reprise des transactions immobilières. C'est un facteur corrélatif extrêmement important, que nous attendons tous, qui frémit, mais qui ne rebondit pas vraiment. C'est vraiment cela qui fera la différence… Au cours des vingt dernières années, le nombre de gros appareils électroménagers achetés en France était en moyenne de 0,5 par an et par foyer en France. Ce chiffre était extrêmement stable de 2000 à 2020. C’était stupéfiant de régularité. Depuis la fin du COVID, nous sommes descendus à environ 0,4 appareils au lieu de 0,5. C’est énorme, car sur une stabilité historique aussi forte, descendre de 20 ou 25% c'est un choc. Nous sommes vraiment à un point bas de décision d’achat. C'est porteur d'espoir car, qui dit point bas dit reprise quand le marché de la transaction immobilière repartira. Au second semestre 2026 ? En 2027 ? On ne sait pas, mais, à un moment cela repartira et ce sera mieux pour tout le monde. En ce qui concerne la consolidation du marché, il est clair que le mouvement de concentration ne va pas s’arrêter. Une question est également posée, c’est celle de l'entrée de la Chine en Europe, que ce soit par les produits ou par la prise de capital dans les entreprises.