C’est donc la troisième fois que l’Ademe mène cette étude sur Les Français et la réparation, dont le sous-titre, « Perception et pratiques des Français en matière de réparation », décrit clairement le contenu. Elle a été co-réalisée par les équipes de Gifam Insights. Deux précédentes éditions avaient déjà été publiées, dont la dernière date de 2019. Cette étude a effectivement pour objectif de mesurer les évolutions des pratiques des consommateurs en matière de réparation, ainsi que la manière dont ils la perçoivent. Cette nouvelle édition, publiée quelques années après le lancement de la loi AGEC, va permettre de mettre en évidence son influence sur les habitudes des Français. L’étude a également pour but d’identifier des leviers pour développer la réparation et donc allonger la durée de vie des produits. Alors que les précédentes éditions se concentraient principalement sur l’électroménager et les appareils électroniques, la dernière en date a été élargie à d’autres catégories comme les articles de sport, les appareils de jardinage, l’ameublement… Au total, 57 catégories ont été prises en compte.
« Il s’agit d’une étude de terrain. Pour la réaliser, nous avons interrogé un peu plus de 10 000 Français sur un grand nombre de catégories de produits, ce qui représente plus de 36 000 produits » explique Anne-Charlotte Bonjean.
Réparation : les habitudes et la perception des Français évoluent favorablement
L’Ademe a dévoilé la troisième édition de son étude "Les Français et la réparation" lors du salon Reuse Economy Expo. Alors que les précédentes éditions dataient respectivement de 2014 et 2019, cette mouture portant sur 2024 intervient quelques années après l’apparition de l’indice de réparabilité et du bonus réparation. L’occasion de vérifier si les mesures mises en place pour allonger la durée de vie des produits ont un impact sur les comportements des Français et leurs perceptions en matière de réparation.

De plus en plus de Français ont une vision positive de la réparation
Les foyers français considèrent encore qu’ils produisent trop de déchets mais leur proportion diminue : s’ils sont encore 61% à penser pouvoir réduire cette quantité, c’est tout de même 14% de moins qu'en 2019. « On peut en conclure que la circularité va dans le bon sens » commente Anne-Charlotte Bonjean.
Autre évolution : les gens remplacent beaucoup moins leurs produits ; ils ont plutôt le réflexe de la réparation, qui commence à entrer dans les mœurs. Plus de la moitié des gens déclarent en effet avoir l’habitude de faire réparer (56%) s’ils rencontrent un problème avec un produit. Quant aux principales raisons d’un remplacement, elles sont surtout liées à un échec de réparation ou d’auto-réparation.
En ce qui concerne les habitudes de consommation, les Français sont également de plus en plus nombreux à acheter des produits d’occasion, une pratique plus répandue chez les jeunes générations. À noter que pour faire ces achats, ils privilégient les sites Internet spécialisés (51% les fréquentent) plutôt que les structures de l’ESS (21%) et les associations humanitaires (17%) qui arrivent loin derrière.
Tout comme les pratiques, la manière dont est perçue la réparation évolue également : quand on demande aux consommateurs quel mot leur vient spontanément à l’esprit, le résultat est encourageant. « En 5 ans, la bonne image de la réparation a pris des points (…). En 2019, quand on posait la question « que vous évoque la réparation », alors que les dépenses ressortaient en gros, aujourd’hui ce sont les économies. Il y a une véritable bascule d’état d’esprit. L’image de la réparation a évolué » explique Anne-Charlotte Bonjean. En ce qui concerne les produits associés à la notion de réparation, l’électroménager tient le haut du pavé, de même que la machine à laver et la voiture.
Intéressant à souligner aussi : les aspects environnementaux ressortent en priorité. Pour une grande majorité de participants, la réparation est en premier lieu un moyen de faire durer plus longtemps (95%), mais également de lutter contre la surconsommation (93%) et de réduire la quantité de déchets produits (92%).
Un chiffre très favorable est également à noter : lorsque la réparation est faite, le taux de satisfaction des consommateurs est très élevé puisqu'il atteint 96%.
Coût de la réparation : un seuil confirmé de 30% du prix du neuf mais aussi une barrière de 100 euros
L’infographie sur la perception de la réparation montre que si globalement, la notion d’économies revient souvent, 34% de participants pensent toujours que la réparation est généralement plus coûteuse qu’un achat neuf.
Par ailleurs, l'étude met en parallèle le prix d’achat initial d’un équipement et la décision de réparer. « En moyenne, un produit deux fois plus cher aura un problème quatre fois plus tard » assène Anne-Charlotte Bonjean, avant de décrypter : « lorsqu’un produit est acheté peu cher, il a moins de pourcentage de chance d’être réparé. En revanche, plus l’investissement de départ est important, plus le produit va être réparé. Et a contrario, dans le cas d’un produit cher, l’âge a beaucoup moins d’impact sur le passage à l’acte de la réparation (…). Instinctivement, plus le consommateur investit et plus il fera réparer ».
Le prix demeure en effet un sujet central. L’Ademe indique qu’il fait toujours partie des leviers sur lesquels il est nécessaire de travailler pour développer la réparation. En effet, alors que 90% des Français déclarent avoir eu un problème avec un de leurs produits au cours des deux dernières années, celui-ci a été résolu par une réparation dans seulement 36% des cas – un résultat stable que l’Ademe aimerait voir progresser. Le plus souvent, l’appareil est renouvelé ou laissé en l’état. La principale cause de non-réparation ? Le prix ! Lorsque le consommateur fait le choix de réparer, cela passe le plus souvent par l’autoréparation (21%) et sinon par un professionnel (15%).
Un chiffre (qui fait désormais référence) ressortait de l’étude de 2019 : si la réparation coûte plus de 30% du prix de l’appareil neuf, le consommateur y renonce. En 2024, cette statistique est globalement confirmée (même s’il y a des variations en fonction des catégories de produits). Et l’Ademe y ajoute une nouvelle donnée : une limite de 100 euros. « Pour les produits achetés avec des enveloppes plus faibles, le seuil se situe vraiment à 30% du prix de neuf. Et pour les produits plus chers, on conserve ce seuil de 30% auquel s’ajoute une barrière psychologique aux alentours de 100 euros » explique Anne-Charlotte Bonjean. « Il faut vraiment que nous travaillions collectivement à réduire le prix de la réparation. C’est d’ailleurs le but du bonus réparation » précise-t-elle.
Dans l’édition la plus récente de l’étude, on apprend également que les équipements les moins réparés sont les appareils de froid, les téléviseurs, les micro-ondes, les fers à repasser et les PEM de salle de bains. Au contraire, les plus réparés sont l’outillage de jardin thermique (tondeuses, débroussailleuses…), les équipements de sports nautiques, les ordinateurs et les vélos.
Professionnaliser la réparation pour lui donner une image plus sérieuse et pour rassurer
Pour comprendre comment les Français perçoivent la réparation, l’Ademe a cherché à savoir quels mots ils y associent. Si l’exercice met en évidence beaucoup d’évolutions favorables, il permet aussi d’identifier des leviers, comme le note Anne-Charlotte Bonjean : « on se rend compte que le grand public ne connaît pas bien la réparation. Certains associent ce domaine à de l’amateurisme. Il y a des leviers à travailler sur la perception professionnelle et la manière d’orienter correctement le grand public vers de bons professionnels ».
En l’occurrence, quand on demande aux Français qui sont selon eux les acteurs de référence du secteur de la réparation, les artisans indépendants reprennent des points par rapport à la précédente édition ; ils sont cités en tête (61%). Les services SAV des marques progressent aussi, même s’ils arrivent loin derrière (15%) ; ils sont beaucoup moins populaires que les SAV des distributeurs (56%).
Parmi les freins et leviers associés que l’Ademe a pu mettre en lumière, la question de la confiance revient à plusieurs reprises. D’abord vis-à-vis des fabricants : 77% des Français pensent qu'ils rendent la réparation difficile. Anne-Charlotte Bonjean tempère ce résultat, qui progresse par rapport à celui obtenu en 2019 (il s'établissait en effet à 87%).
De même, si de nombreux consommateurs accordent du crédit au secteur de la réparation (77% déclarent avoir confiance), ils ont moins facilement confiance dans la qualité des réparations effectuées. 52% de participants estiment que la réparation « peut poser des problèmes de qualité, de fiabilité ». « Une partie de gens considèrent qu’il y a un risque de perte d’argent par rapport à une qualité de réparation. C’est pourquoi il est intéressant de mettre en face la professionnalisation de la réparation » conclut Anne-Charlotte Bonjean.
Des axes d’amélioration et leviers qui émanent de l’étude
Des propositions ont été faites par l’Ademe et d'autres librement formulées par les participants. Pour favoriser la réparation, les consommateurs ont certaines attentes qui ressortent clairement : garantir l’acte de réparation 2 ans, améliorer la visibilité de l’offre (trouver plus facilement un réparateur), faciliter l’accès aux pièces détachées (ce qui a un impact sur le prix et la durée d’utilisation), simplifier la logistique des actes de réparation. Ces suggestions sont en pleine adéquation avec les freins qui ont été repérés.
Pour finir, l'Ademe a présenté l’outil Que Faire de mes objets, développé par une start-up, qui répond totalement au manque de visibilité et d'accessibilité de l’offre. Le consommateur peut saisir n’importe quel objet dans la barre de recherche, quelle que soit la filière, pour savoir comment faire pour s'en séparer en fonction de son état : le faire réparer ou s’en débarrasser. On y trouve aussi l’info tri et des contenus pédagogiques sur les aides à la réparation. Chaque éco-organisme communique sur sa filière mais l’idée ici est de tout regrouper pour faciliter la tâche au consommateur.