Nous constatons une véritable montée en compétences des marques de petit électroménager sur le digital retail
Avec la société Retail 4 Brands, dont il est le Président, Lawrence Taylor accompagne les marques dans leur stratégie de digital retail. A travers les Retail Score, il analyse également les marchés comme celui du petit électroménager. Création de contenu, Retail Media, parts de marché... Découvrez les arcanes de la vente digitale et des marketplaces avec Lawrence Taylor.
Neomag. Vous avez récemment édité la 3ème édition de votre Retail Score consacré au petit électroménager. Pouvez-vous nous rappeler ce qu’il analyse et quelles sont les marketplaces étudiées ?
Lawrence Taylor. Le Retail Score est une approche scientifique et objective, qui permet de mesurer le niveau de maturité des marques de petit électroménager sur le digital retail. Il prend en compte 4 dimensions que sont la puissance de la marque, sa distribution, l’expérience consommateur et enfin, le marketing. Nous analysons jusqu’à 40 critères, qui permettent de déterminer le classement de ces marques sur les canaux digitaux où elles évoluent.
Le périmètre d’analyse de Retail 4 Brands comprend les sites pure players qui ont une distribution hybride, parfois dans une logique de Retail, parfois dans une logique de marketplace. Mais également les pures marketplaces et les sites du retail digital, qu’ils soient principalement digitaux, comme MaxiCoffee, ou Click&Mortar, comme Darty.fr, Boulanger.com, etc.
Selon vous, quels sont les points clés pour réussir sa stratégie de digital retail ?
Le succès d’une marque sur le digital retail passe par plusieurs éléments et ce sont justement ces points que nous analysons dans le Retail Score. Tout d’abord, le contrôle de la distribution : qui revend les produits, à quel prix, est-ce qu’il y a une distorsion entre la distribution directe et la distribution indirecte, qui va profiter des marketplaces pour revendre mes produits en tant que marque, etc.
Le second point concerne la puissance de la marque, à savoir sa capacité à dominer un share of shelf et à générer du chiffre d’affaires dans cette catégorie.
La troisième clé de réussite passe par la capacité des marques à proposer une bonne expérience consommateurs, que ce soit en termes de contenus rédactionnels, de visuels, d’avis consommateurs, etc.
Vient enfin le Retail média, ou comment les marques, pour se différencier, vont exploiter les opportunités publicitaires disponibles sur le marché.
Vous avez évoqué le « share of shelf ». De quoi s’agit-il exactement ?
Le share of shelf est la part de mètre linéaire virtuel d’une marque, par rapport à la recherche d’un consommateur. Autrement dit, la capacité d’avoir un assortiment qui domine celui des autres en termes de référencement organique. Sur les marketplaces, il est impossible d’avoir le même niveau de maitrise de la part de linéaire occupée que dans un magasin traditionnel. Le niveau de concurrence n’est pas le même, il est forcément beaucoup plus important en marketplace, avec des marques bien plus nombreuses que dans un point de vente physique.
Avez-vous une idée de ce que représente le PEM sur Amazon ?
Nous n’avons pas de valeur absolue pour le PEM. Ce que nous savons en revanche, c’est que 15 à 35% du CA des marques de l’équipement de la maison se fait en digital retail et qu’Amazon peut représenter jusqu’à 80% de ce canal. A quelques exceptions près, parmi ceux qui ont un maillage européen et qui intègrent Amazon dans leur stratégie de vente, il n’y a pas un seul fabricant de PEM pour qui Amazon n’est pas son premier client global.
Pour revenir au Retail Score, quels sont les principaux enseignements pour le PEM en 2022 ?
Il y a une véritable montée en compétences de l’ensemble des acteurs. Nous constatons une meilleure maîtrise de leur distribution, mais aussi des investissements publicitaires plus nombreux et mieux ciblés en retail média. Nous remarquons également que les marques mettent davantage le consommateur au centre de leur réflexion marketing et commerciale, ce qui se traduit par une amélioration des contenus. Il s’agit de marqueurs forts d’une montée en maturité. Lorsque nous avons réalisé notre premier Retail Score il y a 3 ans, il y avait une vraie différenciation entre les acteurs matures -qui avaient une bonne connaissance des codes du digital retail - et les acteurs en retrait.
Dans ce contexte de montée en compétences, est-il encore possible de se démarquer ?
Le fait que les marques montent aujourd’hui en compétences ne signifie pas qu’elles ne peuvent pas se différencier, bien au contraire. On le voit avec des marques peu connues, qui ont vocation à s’établir sur d’autres réseaux de distribution et qui le font très bien. Auparavant, nous avions plutôt l’habitude de voir des marques -chinoises notamment- qui arrivaient pour pénétrer le marché via Amazon et Cdiscount, sans aucune vocation à se pérenniser. Et elles n’hésitaient d’ailleurs pas à franchir certaines lignes blanches.
Parlez-vous des faux avis lorsque vous évoquez ces lignes blanches ?
Effectivement et à ce sujet, il y a eu une véritable prise de conscience il y a 18 mois, principalement de la part d’Amazon. Cela a abouti au déréférencement de dizaines de milliards d’euros d’équivalent GMV (valeur brute des marchandises, ndlr). Rappelons qu’à une époque, les marques ont acheté de faux avis en remboursant l’achat et ainsi, manipulé l’algorithme. Ce phénomène n’a pas totalement disparu, mais la tendance s’améliore. Cela permet à des marques historiques de revenir sur le premier plan et nous commençons à le voir de plus en plus. C’est le cas d’une grande marque de gros électroménager que nous avons analysée récemment, dont la maîtrise des codes d’un point de vue visuel lui permet de mieux valoriser ses produits, alors qu’ils ne sont pas distribués dans des canaux traditionnels. En mettant en avant ses points forts de manière visuelle et très simple, elle favorise une meilleure interaction avec son visitorat.
A ce propos, quelle est l’importance de l’affichage du contenu ? Et est-elle aussi forte sur des sites comme Amazon, que sur de plus jeunes marketplaces comme Darty ou Boulanger ?
Tout d’abord, il faut savoir que les règles éditoriales ne sont pas les mêmes. Sur Amazon, il est possible d’aller beaucoup plus loin, à la fois sur le texte et sur les images, pour que ces deux aspects correspondent au plus près aux requêtes des internautes. Sur Boulanger, Darty ou Fnac, la titrisation est beaucoup plus simple. Or, on sait qu’une fiche produit bien faite, qui correspond aux codes d’Amazon, permet d’aller chercher 2 fois plus de trafic et remonter 2 fois mieux en référencement organique. Nous sommes dans un rapport du simple ou double. C’est dire à quel point le contenu est essentiel dans la construction de la relation avec le consommateur. L’optimisation de la partie visuelle, et plus précisément du premier visuel qui va apparaître lors de la recherche d’un produit, est également essentielle car elle constitue le premier point de contact entre la marque et le consommateur. Un bon visuel, c’est 25% de chances supplémentaires de taux de clic et donc de vente potentielle. Naturellement, le distributeur va favoriser les produits qui ont des contenus qui correspondent à ce que le consommateur recherche le plus.
Vous venez d’évoquer l’aspect organique et donc gratuit, mais il y a également une partie payante, avec le Retail media. Pouvez-vous rappeler ce qu’est le Retail media et en quoi est-il important pour une marque aujourd’hui ?
Le Retail media est la diffusion de publicité sur le lieu de vente, physique ou digital, pour communiquer et mettre en avant un produit et/ou un service auprès du consommateur final. Il s’appuie sur la data pour capter le consommateur sur le site, mais également au-delà du site. Pour bien comprendre son importance, il faut remonter 5 ou 6 ans an arrière, lorsqu’Amazon a proposé de nouveaux services, proches des « searchs » de Google. En quelques années, Amazon est devenu le moteur de recherche le plus efficace au monde pour les produits, très loin devant Google. Cette étape a constitué une véritable révolution pour le Retail media et lui permet aujourd’hui d’être en croissance d’environ 25%, quand les plateformes digitales telles que Meta ou Google sont plutôt étales ou en décroissance. Le Retail média, tel qu’il a été incarné par Google et repris depuis par d’autres, a permis de valoriser les produits avec des retours sur investissement très intéressants.
Est-ce à dire que le Retail media est suffisant pour générer des ventes ?
Cela a été le cas pendant 5 ans, mais ce n’est plus suffisant aujourd’hui car il y a de plus en plus d’acteurs qui communiquent, avec un principe d’enchères. Il faut également comprendre que ce qui influe dans l’acte d’achat, ce n’est plus le vendeur, mais la marque elle-même. D’où l’importance de faire du Retail média pour faire émerger le produit.
Sur certains canaux de distribution, le Retail media va jusqu’à remplacer la force de ventes, en permettant de connaître les recherches exactes des internautes. Ces données sont disponibles sur Amazon et surtout, elles le sont de façon gratuite. C’est en cela qu’Amazon change les règles du jeu. Tout l’enjeu est donc de savoir décrypter les tendances, afin de mettre le bon produit sur le marché au bon moment.
C’est d’ailleurs ce que vous proposez aux marques depuis 2019 avec un accompagnement global, de la stratégie, aux contenus, en passant par le Retail media. Où en êtes-vous aujourd’hui ?
Retail 4 Brands reste une entreprise à taille humaine, avec un peu plus de 20 personnes, pour apporter la meilleure qualité de service à nos clients. Ces derniers ont un enjeu stratégique, souvent lié à des sujets de transformation digitale et nous sommes là pour les accompagner, tant en matière de stratégie que de structure organisationnelle. Car le Key Account Manager ne fait plus le même métier qu’auparavant et ne peut plus se contenter de faire de la négociation. Il est désormais le chef d’orchestre qui va travailler et coordonner ses actions avec le marketing et les forces de ventes digitales. En plus des formations que nous dispensons à nos équipes, nous proposons également des formations à nos clients, par exemple un KAM qui viendrait de prendre ses fonctions, avec des montées en compétences de 3 à 6 mois. Notre rôle est de donner les clés à nos clients pour bien aborder le canal du digital retail, et vendre au mieux leurs produits auprès du consommateur.
Si vous souhaitez en savoir plus sur le Retail Score, vous pouvez contacter Lawrence Taylor sur LinkedIn.