Francis Cordelette prépare HTM Group à la concentration du secteur

Francis Cordelette prépare HTM Group à la concentration du secteur

le 2 juillet 2009
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Impact de la crise, évolutions prévisibles, stratégie de développement de Boulanger, Electro Dépôt, Webdistrib, multicanal, marques propres, rapprochement avec Euronics, concentration de la distribution... Le Directeur Général de HTM Group fait le point au cours d'un entretien exclusif avec Neomag.

Entretien : Philippe Michel et Eric Shorjian

 

 

 

Neomag : 2009 marque le regroupement de vos activités au sein de High Tech Multicanal Group. Pourquoi cette décision ?
Francis Cordelette :
Il y avait confusion entre l’enseigne Boulanger et le groupe Boulanger. Nous avons souhaité apporter de la clarté entre les structures juridiques, managériales et les responsabilités commerciales et économiques. Nous mettons donc en place un organigramme simple et clair, avec un patron et un conseil de surveillance dans chaque entreprise du groupe, celles-ci étant coiffées par la holding HTM Group.


Neomag : Quel est aujourd’hui le poids d’HTM sur le marché ?
Francis Cordelette :
En 2008 HTM Group a réalisé un CA HT de 1,165 milliards d’euros, en progression de + 1,3% par rapport à l’année précédente, l’enseigne Boulanger pesant environ 80% du CA total.


Neomag : La crise frappe tous les acteurs de la distribution Electrodomestique.  Quel impact en 2008 et quelles évolutions sur 2009?
Francis Cordelette :
En 2008, l’activité de Boulanger a connu trois périodes distinctes. De janvier à mai nous avons d’abord été dans la continuité de l’année précédente. Une première cassure a eu lieu en juin puis un nouvelle en septembre. Au final, l’année s’est terminé étale à surface comparable et à environ + 6% avec les nouvelles ouvertures.
En 2009, janvier, février et mars ont été dans une tendance identique à celle des cinq derniers mois de 2008. Dans la seconde quinzaine de mars, nous avons, à nouveau, connu une cassure. Sur les quatre premiers mois de l’année, nous enregistrons une régression à surface comparable mais sommes en légère progression compte tenu de l’ouverture des nouveaux magasins. Ces chiffres sont à replacer dans un contexte de marché aujourd’hui en recul de 4%, toutes surfaces confondues, y compris le e-commerce.

 
Neomag : A cette crise s’ajoute la déflation continue des produits techniques ? Comment voyez-vous évoluer la situation ?
Francis Cordelette :
Il y a effectivement une forte déflation, en particulier au niveau des écrans plats et de l’informatique avec le phénomène netbook. Nous sommes dans un métier où quand la déflation est plus forte que l’augmentation des volumes, il devient difficile de vivre. Il faut rester souple, vigilant. Nous espérons tous que le second semestre sera meilleur mais nous n’en savons rien…
En revanche, je pense que la baisse des prix va encore continuer et ses effets  s’ajouter à ceux de la crise et de la LME. La crainte que l’on peut avoir, c’est que les industriels investissement moins dans l’innovation. Ils développent actuellement leurs efforts dans tout ce qui touche le développement durable, c’est très louable en soi, mais je ne suis pas sûr que cela soit de nature à accélérer le renouvellement d’achat.


 

Neomag : L’enseigne Boulanger ouvre de nouveaux magasins de 3 500 m2 et agrandi le parc existant comme à Englos passé  à 4 000 m2. Vous visez les 100 d’ici deux ans. La crise ne remet-elle pas votre plan de développement en cause ?
Francis Cordelette :
Nous sortirons un jour de la crise. Et c’est durant ce type de période que peuvent se prendre de bonnes positions commerciales. Nous venons d’ouvrir Coignières et Béziers. D’ici fin 2009, nous allons encore réaliser trois nouvelles ouvertures à Bourges, Chalon-sur-Saône et Clermont-Ferrand. En 2010, dans la mesure où nos finances nous le permettent, nous maintiendrons le rythme d’ouvertures prévues.


 

Neomag :Pourquoi ouvrir des magasins plus grands qu’auparavant, sachant qu’ils sont plus coûteux et plus difficile à rentabiliser ?
Francis Cordelette :
Lorsque nous avons pensé l’évolution du groupe avec Pascal Roche, Directeur Général d’Electro Dépôt, nous avons voulu deux formats de magasins très différents. Du hard discount pur et dur avec Electro Dépôt basé sur un module entre 1 500 et 1 800 m2, des gammes courtes, peu de vendeurs, peu de conseils et de services. Electro Dépôt à ouvert 6 nouveaux magasins en 2008, en comptera 5 de plus cette année pour un total de 30 d’ici fin 2009.
A l’opposé, le parti pris de Boulanger est de proposer un choix large, un maximum de conseils et de services, des magasins chaleureux aux couleurs méditerranéennes. Boulanger doit offrir le module dominant sur sa zone de chalandise, en termes de taille, d’offre commerciale et de confort client. Vous l’avez remarqué, c’est particulièrement visible dans un magasin comme Englos… Ce qui m’importe, c’est que dans les zones ou nous sommes présents, un concurrent ne puisse pas ouvrir en ayant une offre plus importante que la notre dans les 15 voire les 20 prochaines années.


Neomag : Ces grandes surfaces sont-elles rentables ?
Francis Cordelette : Si nos magasins n’étaient pas rentables, nous n’en ouvrions pas de nouveaux…


Neomag : Mais comme votre groupe ne communique pas ses résultats, que répondez-vous à ceux qui pensent que Boulanger ne gagne pas d’argent ?
Francis Cordelette :
Pour être précis, le groupe a perdu de l’argent avec la vente de l’Espagne l’an dernier mais je peux vous dire que structurellement les entreprises de notre groupe sont rentables.


Neomag : Il y a quelques années, le concept magasin Boulanger semblait se chercher entre libre-service et vente assistée. Là, on l’impression qu’il s’est stabilisé…
Francis Cordelette :
La mise au point ne s’est pas faite du jour au lendemain. Nous essayons de développer le libre service là où le produit le permet. Mais c’est une petite partie de notre chiffre d’affaires, car l’enseigne Boulanger reste essentiellement une entreprise de vente et non pas de distribution. L’essentiel de notre chiffre d’affaires provient de la vente assistée. Nous essayons toutefois d’y adjoindre les avantages du libre service, avec notamment un passage rapide en caisses.


Neomag : Quelles seront les prochaines évolutions du module ?
Francis Cordelette :
Les principaux progrès dans les prochaines ouvertures de magasins Boulanger vont concerner l’Encastrable. Le marché du gros électroménager se déporte de plus en plus de la pose libre vers ce secteur. Nous allons créer un module Encastrable plus valorisant qu’il ne l’est actuellement. Nous allons aussi réfléchir à des espaces plus attractifs dans le Gaming. Enfin, la troisième voie de progression, c’est le regroupement de tous les Services Numériques (Adsl, Satellite, Bdom…) afin de matérialiser davantage cette offre aux yeux de nos clients.


Neomag : Parlons maintenant du web… Contrairement à Darty, Boulanger est arrivé en retard. Comment votre présence sur le réseau va-t-elle évoluer ?
Francis Cordelette :
C’est vrai, nous avions du retard sur internet. Mais aujourd’hui il est indispensable  d’y être. 60% des consommateurs s’y renseignent avant de procéder à leur achat. Notre stratégie a été d’avoir deux sites, Boulanger.fr et Webdistrib. Le rachat en 2006 d’un site pure player tel que celui-ci nous a permis d’aller plus vite et de gagner du temps dans la connaissance de ce métier. Pour autant, pas question de pousser le chiffre d’affaires au détriment du résultat. Webdistrib avance avec une stratégie de croissance équilibrée. Le site est au top niveau en ce qui concerne la fiabilité opérationnelle. Il a les meilleures notes de Fianet notamment dans les entreprises électrodomestiques.
Boulanger.fr est devenu marchand en mars 2007. Nous avons développé ses fonctionnalités au fur et à mesure en jouant la carte du multicanal. Le site n’est pas un magasin de plus mais un maillon essentiel de notre structure. Aujourd’hui le client peut réserver sur internet et venir chercher en magasin. Il peut aussi acheter via internet et venir échanger en magasin. Nous avons aujourd’hui plus de visiteurs sur internet qu’en magasin. Boulanger.fr est devenu la première vitrine de l’enseigne. C’est actuellement le 9ème site visité en France en click and mortar et le 15ème en incluant les pure players. A terme, il deviendra très certainement le premier lieu d’achat de l’enseigne.

 

Neomag : Internet permet de proposer aux consommateurs une largeur de choix immense, des informations très détaillées sur les produits, des démonstrations vidéos voire des conseils personnalisés par profils… Sur quels registres magasins et vendeurs feront-ils la différence à l’avenir ?
Neomag : Francis Cordelette :
La spécificité de nos magasins physiques par rapport à internet est de trois ordres. D’abord  la qualité et le professionnalisme des vendeurs Boulanger seront déterminants dans la différenciation entre les magasins et internet, même si dire cela semble évident. Il faut donc des formations et du coaching adaptés et efficaces mais aussi ne pas tromper sur le recrutement
La différence se jouera aussi beaucoup sur les services proposés dans les magasins. Troisièmement, nous devons mettre davantage en avant la découverte. Donner une information précise sur les nouvelles technologies et les usages que celles-ci apportent aux gens dans leur vie quotidienne.


Neomag : Quelle est l’évolution de vos marques propres ?
Francis Cordelette :
Nous avons lancé nos premières marques propres en février 2006. Au début, on nous a dit que ça ne marcherait pas… En 2008, nous avons commencé à faire des volumes et des chiffre d’affaires importants avec les produits développés par notre filiale Sourcing & Créations. Nous avons aujourd’hui 1100 références en marque propre. Essentiel B et Listo réalisent 15% des volumes et 6% du CA de la chaîne.


Neomag : Jusqu’où comptez vous aller ?
Francis Cordelette :
L’objectif n’est pas tant de pousser les marques propres que de développer la rentabilité de l’entreprise et de nous différencier de nos concurrents. Nous irons le plus loin qu’il est possible tant que les marges des produits de nos marques seront supérieures à celles de ceux que nous proposent les industriels… En accessoires, par exemple, Boulanger n’a quasiment plus que ses propres marques.


Neomag : Puisque nous évoquons les fournisseurs, quel est votre avis sur le déréférencement de Dyson chez Darty à cause de sa garantie 5 ans?
Francis Cordelette :
J’avoue ne pas avoir suivi directement le débat qui a été traité par la direction des achats. Je remarque seulement que ce qu’a fait Darty est courageux. S’ils sont fréquents dans l’Alimentaire, les bras de fer entre une enseigne et un fournisseur sont rares dans l’électrodomestique.


Neomag : En mars 2008, était annoncé votre rapprochement officiel avec Euronics France via une participation dans sa filiale Logitec. Que pensez-vous du lancement prochain de l’enseigne Euronics , dont le positionnement est proche de celui de Boulanger ?
Francis Cordelette :
Disons d’abord que je ne considère pas Gitem comme un concurrent. Boulanger pèse 6% du marché, ils sont à 1,5% et la mer est grande… Les concurrents de Boulanger s’appellent Darty, Fnac, Saturn, Conforama, But, les GSA, le e-commerce. Les Gitem sont des magasins de proximité, importants dans le gros électroménager et la télévision. Leur réseau est parfaitement complémentaire au notre car ils sont implantés dans des zones où nous n’irons jamais.


Neomag :  l’enseigne Euronics connait un fort développement…
Francis Cordelette : Il n’y a pas de raison que cela ne marche pas. Ce sont de bons professionnels.


Neomag : N’y aura-t-il pas alors une concurrence pour vous ?
Francis Cordelette :
Vous avez l’impression que nous nous tirons une balle dans le pied parce que nous risquons de nous « frotter » sur quelques zones ? Ce qui m’intéresse, ce sont les 94% du marché que nous n’avons pas. Je vous l’ai dit, la mer est grande… Plus Euronics se développera, plus nous serons forts ensemble en achats et vis-à-vis des industriels. Je pense qu’il y a de la place en France pour 120 magasins Boulanger mais aussi pour des Gitem, des Euronics, voire un jour des magasins Boulanger de 1 500 m2… Et si de temps en temps nous sommes concurrents, que le meilleur gagne !


Selon vos accords Gitem et Euronics vont distribuer également les marques propres…
Francis Cordelette :
Tout à fait. L’idéal aurait été pour eux d’avoir leur propre marque mais ils n’avaient pas les volumes suffisants. Nous avons donc mis nos marques propres à leur disposition. Ils vont avoir ainsi accès à des produits différenciants et aux marges plus confortables. Vous savez, lorsque l’on se marie, on s’aide mutuellement, sinon il ne faut pas se marier. Toutes les sagas des groupements que l’on a connues, « je t’aime et après je ne t’aime plus, on se sépare et on revient », nous n’en voulions pas. Nous avons voulu un mariage et pas des fiançailles, c’est pour cela que nous sommes entré au capital de Logitec qui est d’ailleurs mentionné dans l’organigramme du groupe HTM.


Neomag : Selon vous quel va être l’impact de la crise sur le paysage de la distribution ?
Francis Cordelette :
L’Electrodomestique a une distribution très éclatée, contrairement au Sport, à l’Alimentaire ou au Bricolage. Nous sommes dans un secteur où le leader ne pèse que 13% du marché. En 2003, lors de mon arrivée à la tête de Boulanger, je pensait que la distribution Electrodomestique allait se concentrer. Je me suis trompé. Non seulement ce n’est pas arrivé, mais la distribution a continué à se morceller, notamment avec l’arrivée d’Internet. En fait, tant qu’un secteur est en croissance forte, il ne se concentre pas.


Neomag : Oui, mais la crise modifie la donne et risque de vous donner aujourd’hui raison
Francis Cordelette :
La croissance forte n’est plus là. Et si la stagnation du secteur de l’électrodomestique continue, il n’est pas impossible que nous soyons, cette fois, à l’aube d’une phase de concentration de la distribution. Les effets de la LME n’arrangent rien. Nous payons les fournisseurs de plus en plus vite (il n’y a pas eu d’accords dérogatoires dans l’électrodomestique), les chiffres d’affaires se tendent, la rentabilité est de plus en plus difficile… Des rapprochements sont à prévoir mais aussi des disparitions. Je pense que les groupements vont continuer à se rapprocher. Et si cela devait se faire autour d’Euronics, ce serait positif car leur alliance avec nous les rend plus attractifs.

 

 

En savoir plus
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Refonte réussie pour Boulanger Englos 09/10/2008

 

 

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