Interview : Eric Shorjian
Neomag : Vous occupez des fonctions au sein de GPdis et de Selectis, deux sociétés juridiquement et financièrement distinctes. Commençons par GPdis. Comment a évoluée l’activité en 2008 ?
Eric Le Blevec : Créé en 1998 à l’initiative de quatre sociétés (SLD, Bardou, Dougados et Léger) GPdis est une entreprise de gros spécialisée dans la vente en gros de produits Blanc, Brun, Pem, Téléphonie, Multimédia, Antennes, Photo numérique, abonnements satellites. C’est aujourd’hui un leader de la distribution au niveau national avec des clients répartis sur l’ensemble de la France.
En 2008, GPdis a réalisé un CA consolidé (vente aux revendeurs) de 550 millions d’euros HT en progression de 8% par rapport à l’année précédente. Ceci avec une très bonne progression dans le réseau traditionnel auprès duquel nous avons notamment fait la différence en termes de largeur de gamme et de disponibilité produits.
Tous les investissements du groupe portent sur la qualité de service aux revendeurs. Notre site www.GPdis.eu leur permet de passer commande à n’importe quelle heure, de les suivre, de connaître les stocks en temps réel mais aussi de consulter les promotions spécifiques et les fiches produits des marques. Plus de 150 collaborateurs sédentaires ou itinérants sont également à leur disposition pour apporter conseils, formations, conditions d’achats et solutions. Si la logistique est la clé de voûte du métier de grossiste, le stockage en est le point central. Avec une capacité de stockage de 80 000 m2 répartie sur 20 points logistiques en France, nous assurons quotidiennement l’arrivée et le départ de milliers de produits. Je rappelle que nous proposons des tournées dédiées à nos principaux clients jusqu’à deux fois par semaine avec notre propre flotte de camions.
Neomag : La crise met actuellement en difficulté de grandes enseignes spécialisées, comme le montrent les derniers résultats de Fnac ou de Darty. Selon vous, quel sera l’impact sur le paysage des grossistes en France ?
Eric Le Blevec : Rapportée à notre métier, je pense que cette situation va très certainement éclaircir l’échiquier des grossistes en France. Trois types de grossistes existent aujourd’hui : le grossiste indépendant, le grossiste rallié à un groupement, le grossiste intégré. Les deux premières catégories de grossistes sont celles qui risquent d’avoir le plus de difficultés dans les années à venir. La compétition et la complexité croissante du métier implique d’avoir une vraie stratégie et pour qu’un groupe de grossistes aille dans le même sens, il faut qu’il y ait un lien qui ne soit pas que convivial. La stratégie durable d’un groupe ne se fait pas simplement en se réunissant autour d’une table mais avec un lien financier. C’est la voie choisie par GPdis et l’expérience prouve que c’est la bonne.
Neomag : Certains de vos compétiteurs vous reprochent d’approvisionner d’autres circuits de distribution et notamment des sites Internet. Que répondez-vous à cela ?
Eric Le Blevec : Ce sont ces mêmes compétiteurs qui ont fait d’internet le socle de leur politique commerciale. Internet à pris aujourd’hui une place incontournable en tant que canal de distribution. C’est un phénomène mondial. L’erreur serait d’ignorer totalement ce réseau. La vraie question qu’il faut se poser, c’est de voir comment tout cela peut se réguler. Est-ce que ce n’était pas à des gens du métier de vendre sur Internet plutôt qu’à des opérateurs de télécoms comme cela a été le cas ? Mais on ne peut pas s’improviser sur un métier que l’on ne connait pas. Il faut être dedans pour comprendre. Et dans ce cadre, il vaut mieux essayer de le piloter avec des gens sérieux plutôt que de faire n’importe quoi. Je précise que cette activité, de par son poids, n’est absolument pas stratégique pour le groupe GPdis contrairement à certains grossistes. Je pense également que tout cela est un faux débat car au final, ce qui compte pour le revendeur, c’est d’avoir le bon produit, au bon prix et au bon moment. Et sur tous ces points, notre expertise est unanimement reconnue. La confiance de nos clients revendeurs, de nos fournisseurs ainsi que nos résultats sont là pour en témoigner.
Neomag : Quel est le profil actuel de vos clients ?
Eric Le Blevec : Les professionnels du blanc et du brun sont toujours le cœur de cible de notre activité. Ils sont plusieurs milliers d’indépendants à nous faire quotidiennement confiance, qu’ils soient sans enseignes ou sous enseignes... Viennent ensuite les cuisinistes qui trouvent chez GPdis toutes les gammes d’encastrables, éviers et robinetteries nécessaires à l’installation complète d’une cuisine, mais aussi les artisans généralistes ou spécialistes, les installateurs d’antennes, les boutiques de téléphonie. Nombre de ces revendeurs sont également fédérés sous nos cinq enseignes que sont Pulsat, Compétence, Défis, Avelis Telecom et Andom.
Neomag : Parlons maintenant de Selectis. Quel est son poids aujourd’hui sur le marché ?
Eric Le Blevec : Rappelons d’abord que la société Selectis a été créée en 2007 après la dissolution du groupement Référence avec pour mission la sélection et référencement de produits Electrodomestique & Multimedia. C’est une société ouverte à GPdis et à d’autres grossistes et distributeurs plateformistes. Elle fonctionne avec une structure très légère de 6 personnes aux achats. En 2009, Selectis représentera un chiffre d’affaire de 800 millions d’euros TTC.
Neomag : Comment évolue actuellement la relation fournisseurs et que change cette crise?
Eric Le Blevec : Dés la rentrée 2008, les fournisseurs avaient construit des budgets 2009 pessimistes voire alarmistes. Ces décisions ont eu plusieurs conséquences. Avec ce type de budget, il n’y a pas de surenchères, les fournisseurs ont plutôt « la tête froide ». En téléviseurs, nous avons été confrontés à une pénurie car les consommateurs n’ont pas réduit leurs achats comme prévu. A fin février, le Brun était chez nous à + 7 %... Cette situation a eu le mérite d’épurer les stocks. Maintenant il va falloir faire attention à ce que cette situation pénurique ne freine pas les chiffres de la consommation qui sont encore plutôt bons dans notre secteur comparé à d’autres.
En ce qui concerne l’évolution de la relation fournisseurs, il est clair que la puissance d’achat est toujours très importante dans les négociations, et cela pour bénéficier des meilleures conditions. Mais cela ne doit pas occulter le côté qualitatif de la relation. Dans la période actuelle, une question est primordiale : «quels services rendus et quels engagements le distributeur est-il capable de tenir vis-à-vis de son fournisseur ? ». En cette période difficile, la solidité financière et la garantie de paiement du grossiste sont également des critères déterminants.
Neomag : Selon GfK, le nombre de marques présentes sur le marché français sur le marché EGP-Multimédia à doublé en quatre ans. Dans le même temps, la concentration s’est accentuée sur le marché des téléviseurs (qui pèse lui-même la moitié du marché total en valeur) avec trois marques qui en détiennent 60% ? Dans ce paysage, comment évolue la sélection et le référencement des produits dans le Blanc-Brun ?
Eric Le Blevec : Il est du rôle permanent des acheteurs de Selectis d’analyser si l’offre des marques référencées répond bien aux évolutions des attentes des consommateurs. Mais la situation est différente entre le Blanc et le Brun. Par nature, le marché de l’électroménager est plus stable, marqué par une présence historique forte des marques européennes, même si certaines connaissent actuellement quelques difficultés. Certains nouveaux entrants nous sollicitent, mais nous restons prudents. Car lancer une marque est une chose, mais tenir la durée en est une autre. Nous ne pouvons pas prendre de risques inconsidérés vis-à-vis de nos clients. Le domaine des nouvelles technologies, par contre, est caractérisé par un nombre important de marchés de niches. Lorsque qu’une marque avec laquelle nous ne travaillons pas apporte une innovation dont nous pensons qu’elle va satisfaire le consommateur, nous n’hésitons pas à la rentrer comme nous venons de le faire, par exemple, en téléphonie DECT.
Neomag : Certains groupements souhaitent actuellement développer la présence de MDD dans les magasins de leur réseau ? Quelle est votre stratégie sur ce sujet ?
Eric Le Blevec : Nous n’avons pas vocation à créer notre propre marque. Ce n’est pas du tout dans notre politique.
Neomag : Et en ce qui concerne la dimension environnementale ?
Eric Le Blevec : Je crois beaucoup à une approche « total costing » comme la mettent désormais en avant des marques d’électroménager. Celle-ci aura le double avantage de permettre aux consommateurs d’avoir un gain à l’usage de leur appareils sur du long terme et aux revendeurs de pouvoir monter en gamme avec de vrais arguments liés aux économies d’énergies.
GPdis
- Activité : Groupement de Plateformes de Distribution
- Société holding propriétaire de 12 sociétés grossistes
- Président : André Sardain
- Effectif : 820 personnes
- Points logistiques en France : 24 (13 plates-formes+11 dépôts)
- Stockage : 80 000 m2
- Nombre de références : 20 000
- Fournisseurs sous contrat : 200
- Valeur du stock : 60 millions d’euros
GIE PULSAT
- Activité : groupement de 15 entreprises grossistes
- Assure le marketing et la communication des enseignes
- Président : Maurice Bardou
- Directeur : Sylvain Thomas
SELECTIS
- Activité : centrale d’achats
- Sélection et référencement de produits Electrodomestique & Multimedia
- Date de création : 2007
- Président : Eric Le Blevec
- CA ventes 2009 : 800 M€ TTC