Fnac Darty est-il fait pour la franchise ?

Fnac Darty est-il fait pour la franchise ?

le 10 septembre 2020
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Ressenti depuis des mois, exarcerbé pendant le confinement et finalement exprimé au grand jour cet été, le malaise des franchisés Darty s'est traduit par une assignation en justice et une demande de 12,7 millions d'euros en dédommagement, portées par le Groupement des Franchisés Darty. A la tête de ce dernier ? Frédéric Loquin, l'homme qui a fait signer les premiers contrats aux franchisés avant de devenir l'un d'entre eux. Si un accord n'est pas trouvé, l'aventure de Fnac Darty dans la franchise, jusque là fructueuse, deviendra périlleuse...

Des griefs financiers mais aussi humains

"Souvent on me pose la question « et si c’était à refaire ? », je le referai sans hésiter, d’ailleurs d’ici la fin d’année 2020 j’ai prévu d’ouvrir, toujours dans ma région, deux nouveaux magasins Darty." Ces mots sont ceux de Frédéric Loquin, retranscrits dans la plaquette de présentation de la franchise Darty. Une plaquette remise à jour en mars 2020, soit avant le confinement. Même en tenant compte des délais de conception, les mots du Président du Groupement des Franchisés Darty ne sont pas si anciens que cela.

Alors que s'est-il passé pour que 90% des franchisés Darty se lancent dans une bataille juridique contre l'enseigne ? Avant d'énoncer les faits, et notamment ceux concernant les accords financiers et de fonctionnement, rappelons l'importance dans le commerce du rapport humain dans un réseau de distribution.

Dasn le secteur de la presse, la crise du Covid-19  a été une période terrible pour de nombreux pigistes réguliers. Beaucoup de magazines les ont "remerciés", parfois sans ménagement, pour privilégier les permanents, c'est-à-dire les journalistes intégrés à temps plein dans les rédactions. Ce qui s'est passé pendant le confinement chez Darty peut s'apparenter à ce qui s'est passé dans la presse, les franchisés étant eux aussi des indépendants.

Ce qui arrive aussi chez Carrefour, où un collectif de franchisés mène également une fronde,  démontre que la gestion de chefs d'entreprises indépendants, ce que sont les franchisés, ne semble pas être le fort des enseignes d'intégrés.

Un réseau de franchisés ne se pilote pas comme un réseau d’intégrés. Bien rodée depuis des années dans d’autres secteurs de la distribution (habillement, alimentaire, bricolage…), la franchise ne s’est déployée que depuis une dizaine d'année dans l’univers de l’électrodomestique lorsque Fnac en premier, a pris le parti de l’utiliser. Mais le secteur des biens techniques dispose encore d'un grand nombre d'enseignes d'indépendants, qui se concentrent et se modernisent.

C'est sur ce terreau que se sont développées les franchises Darty et Boulanger, en allant chercher les meilleurs éléments des enseignes d'indépendants pour se développer rapidement. Mais ironie de l'histoire, on pourrait assister dans les années à venir à un possible retournement de situation, à savoir des franchisés Darty retournant dans des groupements d'indépendants, bien plus habitués à gérer et comprendre les personnalités des commerçants...

 

Une large bande aux 3/4 Sud de la France, où la densité de population est moins importante, est maillée par des franchisés.

Comment l’affaire a-t-elle été portée au grand jour ?

C’est notre confrère l’Officiel de la Franchise qui a sorti l’info au beau milieu de l’été, annonçant que le Groupement des franchisés regroupant environ 140 adhérents assignait en justice la tête de réseau. Il faut dire que l'avocate qui représente les franchisés dispose d'un partenariat avec l'Officiel de la Franchise et qu'un peu de pression médiatique au bon moment, même en plein été, peut être positif pour le plaignant. On aurait pu penser que Darty à la faveur des vacances négocie la paix avec ses franchisés mais la récente enquête de LSA datée de septembre démontre que l'apaisement n'est pas en vue.

Que demandent ces franchisés frondeurs ?

Ils ont assigné la tête de réseau à laquelle ils demandent des dédommagements à hauteur de 12 millions d’euros en raison d’une « politique déloyale ». Ils réclament également 2,1 millions d’euros au sujet d’un litige concerne la revente à perte sur l’année 2019 (au sujet de prix de vente inférieurs à ceux d’achat).

Quels sont les griefs de ces franchisés Darty vis à vis de leur tête de réseau ?

Ils considèrent avoir été lésés par leur franchiseur. Et c’est surtout l'attitude de Fnac Darty pendant le confinement qui aurait mis le feu aux poudres. Les franchisés frondeurs estiment qu’ils auraient pu continuer leur activité durant le confinement au travers du « click&collect » et que Darty n’aurait pas du les empêcher de prendre des commandes et de livrer durant cette période. De son côté, la direction de la franchise Darty, déclare avoir proposé aux magasins franchisés de faire du « click&collect » à partir de début avril. Ce que confirment certains franchisés ne faisant pas parie des frondeurs. 

Les franchisés qui attaquent Darty s’estiment également avoir été victimes de concurrence déloyale. Selon, eux, alors que le groupe avait suspendu ses approvisionnements pendant les deux mois de fermeture, ses ventes sur internet explosaient sur certaines catégories de produits. Face à ces attaques, Darty indique que les franchisés avaient du stock en magasin. 
Autre point de discorde : celui des délais de paiement. Durant le confinement, Darty aurait demandé à ses franchisés des règlements à la commande, ceci pénalisant encore davantage leur trésoreries.
Enfin les franchisés mécontents évoquent à nouveau le problème de la revente à perte et des marges négatives. Une transaction avait été signée au mois de mars dernier concernant celles de 2018. Un accord devra être trouvé concernant celles de 2019.

Régis Schultz, alors Directeur général de Darty, lors de l'inauguration du magasin franchisé de Lannion en 2014. Sur la gauche, Frédéric Loquin, en charge à l'époque du développement de la franchise.

Comment la situation va-t-elle évoluer ?

Compte-tenu des investissements réalisés, de la situation actuelle d’incertitude de l’économie et général et de la consommation en particulier, on imagine mal les franchisés Darty quitter en masse l’enseigne dans les prochains mois. De plus, le développement de la franchise Darty est au coeur de la stratégie du groupe Fnac Darty et de sa rentabilité. Dés le lancement en 2014, le challenge avait été annoncé aux analystes financiers par Régis Schutz, le président du groupe à l’époque : sur un marché en stagnation ou les chiffres de Darty n'étaient pas bons et un plan de rationalisation était engagé, il fallait aller chercher de la croissance tout en minimisant les investissements. "Couvrir le pays et toucher 100% de la population, implique de disposer de 350 à 400 magasins », expliquait alors celui-ci en mars 2014 lors de l’ouverture de Darty Lannion, l’un tout premiers franchisés Darty, aprés celui de Challans en Vendée.

Quoi de mieux alors que d’aller recruter les meilleurs indépendants de Gitem, Connexion, Expert en leur promettant de pérenniser leurs affaires en rejoignant le leader national ? Avec l’ouverture de son premier magasin en franchise à Challans, en Vendée, Darty se donnait à l'époque pour objectif de s’adresser aux 30 % de Français n'ayant pas de magasin Darty à proximité de chez eux.
« Ce qui arrive aujour­d’hui est le fruit de trois ans de dysfonctionnements et le résultat d’un manque d’écoute de la tête de réseau », a résumé Frédéric Loquin à notre confrère LSA. Les deux parties ont donc tout à gagner à s’entendre. Notamment, le groupe Fnac Darty va certainement devoir faire preuve d’un peu plus de souplesse afin que ses adhérents puissent poursuivre dans la sérénité, la confiance et la rentabilité. D'autant que pas mal de contrats, signés pour une durée de 5 ans, arrivent à échéance.

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