Réparateur c’est un métier positif, c’est un vrai métier de héros

Emmanuel Benoit -
Président d’Agoragroup

Réparateur c’est un métier positif, c’est un vrai métier de héros

le 1er septembre 2020
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Alors que les nouvelles versions d’Agoraplus et Agoserve arrivent dans le courant du mois de septembre et que les enjeux autour de l’économie circulaire prennent une importance croissante, Emmanuel Benoit, Président d’Agoragroup, est convaincu que c’est en se regroupant et en développant les partenariats que les acteurs du marché relanceront la réparation d’électroménager. Une activité qui est le deuxième plus gros secteur de la réparation en France en volume après l’automobile. Interview exclusif.

Réparateur c’est un métier positif, c’est un vrai métier de héros

Neomag. Comment évolue actuellement le marché de la réparation d’appareils électroménagers et quelle position y occupe Agoragroup ?

Emmanuel Benoit. Malgré la médiatisation croissante sur la réparation, la réalité des chiffres est très claire : depuis 2008, le volume de réparation recule d’environ 4% par an. Cela est notamment lié à la structure du marché. Les produits neufs sont de moins en moins chers tandis que le coût du travail n’a pas diminué, ce qui est défavorable à la réparation à long terme.
L’électroménager est le deuxième plus gros secteur de la réparation derrière l’automobile (en volume).
Nous sommes à une période charnière. Deux futurs sont possibles : la disparation de la réparation et le tout-jetable ou l’éclosion de nouvelles solutions de réparation efficaces comme dans l’automobile.
Agora compte environ 10 000 sociétés clientes au total (dont aujourd’hui une majorité à l’étranger). En France, nos parts de marché sont de l’ordre de 60 à 70%.

“ Agora a décidé d’accélerer sa transformation autour de trois initiatives ”

Leader sur son marché d’origine, Agoragroup connait aujourd’hui un gros succès à l’étranger où ses nouveaux outils sont davantage connus. Comment expliquez-vous cela ?

Il y a 3 ans, Agoragroup a décidé d’accélerer sa transformation autour de trois initiatives. D’abord, nous fournissons désormais des solutions qui permettent de gérer tout le SAV depuis l’enregistrement de la vente d’un appareil jusqu’à son recyclage.
Ensuite, nous sommes moins orientés dans une relation verticale avec les constructeurs et favorisons les communications transverses. Enfin, nous sommes déployés à l’international dans plus de 80 pays.
Aujourd’hui, nous avons terminé ce changement et entrons dans une nouvelle phase. En France, nous lançons au mois de septembre la troisième version d’Agoraplus - déjà déployée à l’étranger depuis plus d’un an - et la troisième version d’Agoserve (NDLR : logiciel de gestion SAV).
Par ailleurs, si à l’étranger les utilisateurs en sont friands, elle est moins connue en France, alors que c’est notre pays historique. En quelque sorte, c’est un peu la rançon du succès : les gens l’utilisent tellement (par exemple l’envoi d’ordres de mission à des réparateurs, ou la commande de pièces détachées) que nous sommes considérés comme spécialistes. Ils n’envisagent pas que nous soyons aussi spécialistes d’autres activités.

 

“ Le cœur du business model consiste à vendre du service qui permet aux acteurs de travailler en bonne intelligence, de manière transverse ”

En clair, les activités d’Agoragroup vont désormais bien au-delà de la vente de pièces détachées et de la mise à disposition de documentation technique…

Oui, le cœur du business model consiste à vendre du service qui permet aux acteurs de travailler en bonne intelligence, de manière transverse.
Notre CRM consommateur enregistre environ 1,5 millions de Français par an au travers de GCPlus (les cuisinistes et distributeurs y saisissent tout ce qui est cuisine ou produits haut de gamme). Le système permet de gérer les données en toute sécurité. Il donne par exemple la possibilité de gérer les certificats de garantie, de contacter les consommateurs par SMS ou courrier électronique pour leur envoyer un certificat, une preuve d’extension de garantie…
Agora est un intermédiaire qui permet de faire transiter l’information, en gérant toutes les conditions générales de vente. En cas de problème avec un appareil, notre système clarifie la chaîne d’avoirs. GCPlus est, en outre, le seul système au monde à prendre en charge les réseaux longs (il gère les cuisinistes, clients de grossistes, qui ont acheté les produits auprès des constructeurs).
Nous fournissons également des logiciels de gestion complets pour des constructeurs ou des stations techniques qui peuvent aller jusqu’aux devis, la facturation ou la gestion de calendriers…
La réalité d’aujourd’hui c’est qu’Agoragroup est un vrai champion du SAV et une PME française hyper technologique. Sur notre effectif composé d’une vingtaine de personnes, plus de la moitié travaille à la R&D.

“ Nous travaillons avec tout le monde et nous souhaitons améliorer la communication entre tous les partenaires ”

Comment évolue la clientèle d’Agora ?

Agoragroup travaille avec tout le monde : les constructeurs, les grossistes, les distributeurs... Parmi nos clients, certains grossistes saisissent des données mais utilisent aussi notre ERP pour gérer leur comptoir SAV. Il y a des grossistes de pièces détachées qui vendent dans Agora. Certains pure players de la vente de pièces en ligne se connectent directement à nos bases pour vérifier la disponibilité des pièces. Il y a également des assureurs qui missionnent des petits réparateurs grâce au système... Nous avons aussi créé un outil de retour de produits au comptoir pour la GSB.
Nous travaillons  avec tout le monde et nous souhaitons améliorer la communication entre tous les partenaires ; c’est ce qui permettra à tous de faire des économies d’échelle. Nous sommes convaincus que le nerf de la guerre c’est la digitalisation, or nous faisons cela depuis des années.
Nous désirons vraiment relancer la réparation. Plus nous serons nombreux et plus nous communiquerons autour des solutions de la réparation, plus on inversera la tendance de fond et on relancera la dynamique en France, et plus généralement en Europe.

Outre l’international, Agoragroup a encore un potentiel de développement en France ?

Oui parce que justement, nous ne sommes pas forcément perçus comme un acteur majeur sur l’ensemble des services que nous proposons.

“ Agoraplus coûte souvent bien moins cher que les solutions à base de licences ”

Pourquoi ?

La critique principale adressée à Agora, c’est son prix, considéré comme élevé. Cette perception est directement liée à sa sortie en 1997, sur le Minitel, perçu à l’époque comme trop cher. En revanche nos prix n’ont quasiment pas évolué depuis.
Agoraplus coûte souvent bien moins cher que les solutions à base de licences et le coût n’est pas si élevé par rapport au gain de productivité promis. D’autre part, Agora est parfois perçu comme un instrument vieillot parce qu’il existe depuis 20 ans et qu’il est d’abord sorti sur Minitel, ce qui pourtant était une révolution à l’époque…

“ Les gens pensent que réparer coûte cher et craignent de ne pas pouvoir trouver un réparateur de qualité ”

Selon vous, comment redynamiser la réparation ?

Je ne pense pas qu’une entreprise seule, aussi douée soit-elle en communication, puisse inverser une réalité économique. Il faut être nombreux pour le faire. Toutes les évolutions technologiques possibles existent déjà pour gagner en productivité.
Il faut travailler ensemble pour changer l’image de la réparation. Il y a deux grands freins en France : les gens pensent que réparer coûte cher et craignent de ne pas pouvoir trouver un réparateur de qualité (NDLR : c’était déjà le but du label Starsav, créé par Agora en 2010).

“ La réparation est fondamentalement un problème du 21ème siècle ”

Comment communiquer sur cette activité auprès du public ?

Ce n’est pas facile. D’abord, parce que cela n’intéresse que les gens qui sont en panne au moment de la communication, comme nous avons pu le constater lors des « Journées de la Réparation » que nous avions organisées. De plus, il est compliqué de véhiculer un message positif. Par exemple une grande marque qui communiquerait trop fréquemment sur ce thème prendrait le risque de dégrader son image.
Pourtant, je pense que la réparation est fondamentalement un problème du 21ème siècle. Il faut travailler ensemble en bonne intelligence pour réussir à se parler et utiliser la technologie pour remettre l’humain au centre du problème, le but n’est surtout pas de remplacer les gens.

“ Nous travaillons beaucoup sur la thématique de l’intelligence artificielle. Il y a des choses à faire en se réunissant pour définir des standards ”

Et les technologies comme l’impression 3D ou l’intelligence artificielle ? Peuvent-elles contribuer à relancer la réparation ?

On n’arrive pas à faire décoller l’impression 3D. De grands groupes, industriels ou distributeurs, ont essayé, mais l’approche individuelle ne fonctionne visiblement pas. Cela reste un épiphénomène, sans doute parce qu’on n’arrive pas à faire une alliance.
Concernant l’intelligence artificielle, nous travaillons beaucoup sur cette thématique et il y a effectivement des choses à faire en se réunissant pour définir des standards. Car la plus grosse difficulté consiste à traduire le langage humain en quelque chose d’utilisable afin d’apporter des solutions. Le langage technique n’est pas universel (le consommateur, le distributeur, d’une entreprise à l’autre…). C’est toute la difficulté du diagnostique. Si on arrivait à un consensus, on pourrait aller plus loin ; c’est un vrai sujet concret sur lequel on gagnerait à travailler tous ensemble.

Et qu’en est-il de l’autoréparation ?

Nous aivons fait une étude il y a quelques années, cela ne touche pas beaucoup de gens. Je n’ai pas l’impression que les gens réparent plus ; ils utilisent seulement des canaux différents : avant on allait au comptoir SAV, maintenant on commande la pièce sur Internet. Dans Agoraplus, nous constatons que plus de pièces sont vendues en ligne, mais pas un volume de pièces plus important.

“ Bien souvent, les réparateurs choisissent ce métier pour aider les gens, parfois depuis plusieurs générations ”

La loi anti-gaspillage prévoit aussi la création d’un fonds réparation…

Il est indéniable que si ce fonds est mis en place, cela va être un Big Bang dans le domaine de la réparation – les montants sont colossaux (on parle de centaines de millions d’euros). Ma crainte, c’est que cela attire une foule d’opportunistes. Vu que nous travaillons depuis des décennies à pousser la réparation, nous serions gênés de voir des pirates arriver sur ce marché en inventant des marques de réparateurs et finir de détruire ce qui reste du réseau et du tissu économique local. Nous y serons très vigilants. Nous verrons ce que va donner le fonds de réparation, mais actuellement la seule raison pour laquelle un réparateur survit c’est qu’il fournit un travail de qualité de proximité. Réparateur c’est un métier positif, c’est un vrai métier de héros. Bien souvent, les réparateurs choisissent ce métier pour aider les gens, parfois depuis plusieurs générations.

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