Commande en ligne, gestion du stock, recyclage... Voilà les bases du concept de cuisine écologique et intelligente, baptisé « Smart Cooking ». A l’origine de ce concept qui s’appuie sur la technologie RFID, une équipe d’étudiants français de l’école d’informatique SUPINFO. Récompensés lors de la dernière compétition mondiale « Imagine Cup 2008 » par le Prix Microsoft/British Telecom, ces étudiants s’apprêtent à rejoindre une pépinière de la Silicon Valley pour développer leur projet.
Partis du constat que le gaspillage dans le monde est estimé à 770 € par famille et par an et qu'un quart de la nourriture produite est jetée chaque année sans avoir été consommée, Smart Cooking se veut une solution mêlant consommation et développement durable. Et si la cuisine de demain pouvait gérer intelligemment nos produits pour éviter le gaspillage ? Si elle savait anticiper les erreurs avant que l’on ne jette un emballage dans une poubelle inadaptée ? Ou encore, si elle était capable de comparer l’empreinte écologique de chaque produit ? Autant de points sur lesquels se sont penchés les étudiants afin de mettre au point Smart Cooking.
« Dans un futur proche, la grande distribution devrait remplacer les codes-barre par des puces RFID, permettant la lecture à distance des données contenue dans ces puces, expose Régis Hanol, Chef de projet Smart Cooking. Réutilisables et à la durée de vie illimitée, elles sont capables de contenir de nombreuses informations sur le produit telles que la date de péremption, le poids du déchet, l'empreinte écologique du produit ou encore les informations nutritionnelles. L'équipement d'une cuisine avec la technologie RFID permet à notre logiciel d'exploiter au mieux les informations des produits, pour les rendre accessibles à l'utilisateur ».
Le principe ?
Un logiciel propose, à partir d'un écran tactile placé sur le réfrigérateur, de gérer son stock, ses commandes en ligne et le recyclage de ses déchets. En surveillant les dates de péremption, Smart Cooking peut alerter l’utilisateur et même lui suggérer des recettes à base de produits bientôt périmés afin de réduire le gaspillage. Lorsqu'un déchet est jeté, le lecteur RFID, fixé sur chaque poubelle, est capable de reconnaître si celui-ci est adapté au tri sélectif. Aussi, le logiciel personnalise et optimise la prise de commande en ligne en suggérant, par exemple, des conditionnements adaptés aux habitudes de consommation de l’utilisateur. Enfin, il permet d'avoir une vue globale des produits présents dans le réfrigérateur et dans les placards et ce, en temps réel. Un projet qui pourrait être amélioré, selon ses créateurs, par le biais de familles pilotes, mais aussi grâce à des partenariats avec des industriels ou distributeurs, et plus particulièrement des cuisinistes ou encore, par le développement de modules complémentaires qui permettraient, par exemple, de suivre la traçabilité des produits lors des livraisons.
Du projet à son application, le pas n'est pas franchi
Un concept de cuisine écologique certes ingénieux, mais sommes-nous réellement prêts pour ce changement ? La cuisine du futur, la domotique... les solutions existent et sont, pour certaines, déjà commercialisées. Mais les coûts restent élevés. Un concept comme Smart Cooking impose de revoir son équipement pour y intégrer des puces RFID (réfrigérateur, placards, poubelles, installation du « Home Server », etc). Les créateurs de Smart Cooking évaluent aujourd'hui l'installation à 1 100 € pour 2 poubelles, 1 placard et un écran de gestion. Pour les marques alimentaires, cela implique également un surcoût. Aujourd'hui, il en coûte 0,01 € pour imprimer un code-barre et 0,03 € pour une puce RFID. Et les spécialistes estiment que le coût d'une puce RFID devrait être équivalent à celui d'un code-barre d'ici 2012. Pour autant, comment gérer son stock quand on sait que le code-barre est présent sur l'emballage et non sur les produits et qu'il est, par ailleurs, recommandé d'ôter les emballages avant de ranger les aliments dans le réfrigérateur. Prenons le cas d'un pack de 6 yaourts. Aujourd'hui, un code-barre est imprimé sur le pack, mais avec Smart Cooking, chacun des 6 yaourts devrait comporter sa propre puce RFID. Un casse-tête pour les industriels ! Pour autant, cela ne remet en rien en cause l'intérêt du concept dans sa démarche écologique et environnementale, comme le souligne un spécialiste du Froid, David Schillo, Responsable Marketing de la marque Liebherr.
L'avis d'un spécialiste, David Schillo de Liebherr
« Le concept est tout à fait intéressant dans sa globalité. En terme de commercialisation, il sera essentiel de cibler un prestataire capable de gérer l'ensemble des produits inhérents à Smart Cooking. Les cuisinistes et plus encore les GSB -qui ont d'ores et déjà une démarche domotique- représenteraient de parfaits partenaires. Néanmoins, le concept ne peut être commercialisé en l'état. Il est vrai que la grande distribution et les industriels souhaitent une gestion RFID globale d'ici 2012 à 2015 et que de nombreux tests sont aujourd'hui en cours dans ce sens.
Nous y arriverons un jour ou l'autre, immanquablement. La technologie RFID représente de nombreux avantages pour ces secteurs, notamment en matière de passage en caisse, sécurité en magasin, gestion des stocks dans les entrepôts, etc. Mais elle pose un problème de loi et liberté et la Cnil n'a pas encore tranché sur ce point. La Cnil rappelle en effet que la mise en relation des informations contenues sur les centaines, voire les milliers d'objets entourant un individu, permettrait de s'immiscer dans la sphère privée des individus : suivi de leurs déplacements dans les espaces publics, perfectionnement de profils grâce à la surveillance des comportements des clients dans les magasins, connaissance des détails des habits et accessoires portés ou des médicaments transportés par une personne... Donc oui à la technologie RFID qui facilitera la vie des industriels demain, mais avant d'apporter un réel bénéfice au consommateur il y a encore du chemin à parcourir ».