A l’aube du grenelle de l’environnement, la France découvre la carafe filtrante : un moyen économique et écologique de boire une eau du robinet… meilleure que l’eau du robinet. A première vue, toutes les bonnes fées se sont penchées sur le berceau de bébé : la carafe filtrante promet une eau limpide au gout débarassé de ses impuretés , peu coûteuse (l’objet coûte de 20 à 30 € une fois pour toutes, une seule bouteille d’eau minérale coûte plusieurs dizaines de centimes). Elle est également écologique, substituant au rejet de dizaines de bouteilles en plastique une cartouche filtrante toutes les 3 semaines. Last but not least ! Elle élimine la corvée logistique des bouteilles d’eau, atout maître aux yeux des consommateurs. Et elle apporte un nouvel objet plutôt design sur la table familiale…
C’est l’envolée : le taux d’équipement double en quelques années, profitant au début à Brita ( de 90 000 carafes en 2000, celui-ci franchit le million de pièces en 2009). Aujourd’hui, même si l’entreprise pionnière de ce marché en détient toujours plus de 80%, la carafe a attiré de nombreux concurrents, et face à des critiques que le succès trop rapide de la carafe agace, les techniques et le champ d’intervention se sont diversifiés.
Promesse santé et environnement
Aujourdhui, en plus des acteurs déjà présents sur ce segment (Terraillon..), de nombreuses MDD viennent proposer leur propre carafe, cette entrée massive ayant entraîné une baisse de prix de vente moyen.
Plusieurs innovations viendront tenter d’enrayer cette chute : entrée de la couleur sur le rayon qui accentue l’aspect « cadeau », lancement par le leader Brita d’une carafe « nomade » végétale dont le plastique est biodégradable, pour parer aux détracteurs « green » du plastique de la carafe…
Constat des années après de George Mc Gregor, Directeur général de Brita pour l’Europe du sud : « la carafe est de fait un marché de prix, la différenciation s’opérant sur le savoir faire de filtration, où réside véritablement la technologie » . C’est là que se livre aujourd’ hui la vraie bataille de la valeur ajoutée.
Le Groupe Seb, longtemps resté en observateur de ce marché ne s’y est pas trompé : le leader mondial du PEM fait enfin son entrée en septembre dernier avec un produit standard en matière de carafe, à la marque Tefal. « Absent de ce marché, nous devions rentrer sur le standard pour être crédible , affirme Pierre Henry Descubes, Directeur produits en charge de cette activité chez SEB . « Mais fidèle à notre philosophie de groupe, nous apportons l’innovation à travers une cartouche dotée de 6 niveaux de filtration développée avec un partenaire italien. » Même constat avec l’autrichien BWT, pour Best Water Technology, qui lance sur le marché français en partenariat avec Séverin, la première carafe qui filtre non seulement les oligo éléments nocifs mais délivre aussi des ions de magnésium, promesse d’une eau meilleure au goût et bénéfique pour la santé.
Des alternatives à la carafe...Et quid des autres technologies de filtration ? il existe aussi des systèmes à fixer directement sur le robinet de l’évier (« on tap ») et des systèmes se fixant sous celui-ci ( comme le Brita on line Active et Active plus : le premier promettant une eau de meilleur goût « à la source », dénué de chlore, le second une eau en plus moins calcaire. Cette diversification est aussi un moyen de reconquérir de la valeur sur un segment dont la rentabilité s’est légèrement effritée. Mais à première vue on ne retrouvera sans doute pas l’alchimie du succès de la carafe, qui a en plus un aspect fun et design sur la table des français que n’apportent pas les autres systèmes. La carafe représente aujourd’hui donc 96 % de l’équipement des français filtrant leur eau de boisson contre 4% pour les autres systèmes à fixer sur le robinet ( source Sofres- 2010).
La cause de cette diversification n’est pas uniquement l’arrivée de concurrents : c’est que la carafe ne laisse pas indifférent. Il y a quelques années, la blogosphère s’en empare, ainsi que les associations de consommateurs et les écologistes : chacun y va de son pamphlet « pour ou contre la carafe » ? Sans parler des minéraliers, qui apprécient peu l’arrivée d’un produit concurrent à l’eau en bouteille, rente des industriels de l’agroalimentaire. Les articles peu aimables pour la carafe, l’accusant de ne plus êre une carafe filtrante mais une carafe polluante, tentent alors de ternir la success story.
Haussement d’épaules au GIFAM, qui avait travaillé sur la certification des produits à l’origine ( les fameuses attestations de conformité sanitaires) . « Aucune plainte consommateur ne vient étayer les critiques. » explique Patrick le Dévéhat, Directeur technique. Tout au plus, on constate quelques « abandonnistes » décus de la carafe, qui se lassent de changer les cartouches ( opération qui doit être faite environ toutes les 3 semaines). Mais si les croissances du marché s’est ralentie, il reste un potentiel important de consommateurs – près de 15% desfoyers français équipés, enquête SOFRES-GIFAM 2010). L’année 2011 a été moyenne, mais le marché atteint tout de meme la barre des 100 millions d’€…
Le futur ne sera pas en carafe…Celle-ci va continuer assurément de conquérir de nouveaux consommateurs séduits par tous ses atouts. Et d’autres projets ont été développés : la filtration de l’eau, c’est partout : dans les machines à expresso, dans les bars à eau des réfrigérateurs… ainsi qu’en collectivité (Cafés hotels restaurants qui recourent de plus en plus aux cartouches filtrantes pour l’eau des boissons).