Dans le contexte actuel, la notion d’agilité est plus que jamais essentielle
Depuis plus d’un an, la pandémie bouleverse le référencement des produits électroménager, leur présence en magasin et sur les sites internet des enseignes. Les responsables achats doivent recomposer leur offre en tenant compte des nombreuses contraintes liées à la crise sanitaire. Directeur d’activité Blanc et Cuisine pour le groupe Fnac-Darty, Dominique Gandy nous explique comment son métier évolue et comment le groupe s’adapte face aux tensions industrielles toujours existantes.
Neomag. En quoi la pandémie affecte-t-elle actuellement le référencement électroménager au sein du groupe Fnac-Darty ?
Dominique Gandy. Il est évident que les tensions industrielles en Europe et dans le monde ne permettent pas de bénéficier d’une disponibilité produits suffisante pour répondre aux besoins des clients. En 2020, nous avions déjà connu ce phénomène de façon amplifiée entre les mois d’août et novembre. Durant cette période, la plupart des distributeurs ont connu de nombreuses ruptures dans les rayons, notamment en gros électroménager, avec parfois jusqu’à un tiers de produits en moins dans les expositions. Les chaînes de production étaient alors au ralenti et les produits peinaient à arriver d’Europe de l’Est et de Chine, alors que les industriels recevaient deux à trois fois plus de demandes que d’ordinaire. Sans compter les surchauffes logistiques, tant au niveau national avec des transporteurs saturés, qu’au niveau international avec une pénurie de containers.
Le lave-vaisselle a été la famille la plus touchée et l’est encore aujourd’hui dans une moindre mesure. Le Froid a également été impacté et amplifié par le phénomène de fortes chaleurs de l’été dernier. Et l’encastrable a connu un sort similaire à la sortie du premier confinement de par une utilisation intensive des produits. Tous ces phénomènes ont complexifié les approvisionnements et la disponibilité des produits. Néanmoins, nous n’avons jamais eu zéro disponibilité, même si les délais de livraison peuvent parfois atteindre 4 à 5 mois. Les marques ont toujours fait en sorte de rendre disponibles les produits à plus forte rotation. Aujourd’hui, il s’agit de retrouver un rythme d’exposition plus soutenu en tenant compte des tensions industrielles encore existantes.
L’absence de salons professionnels et le confinement rendent difficile l’exposition des nouveautés. Cependant, les marques ont investi sur le digital. Comment faites-vous pour découvrir les nouvelles gammes ?
En effet, les industriels jouent le jeu du digital et c’est une bonne chose. Cela nous permet de découvrir les dernières gammes dans les showrooms des marques, sur des périodes concentrées pour maintenir la concentration des participants. Nous bénéficions de démonstrations en live par les chefs produits de nos marques partenaires et d’analyses GfK complètes. Néanmoins, la reprise en présentiel reste indispensable pour manipuler et tester le produit. Notamment pour évaluer les finitions, la matière soft touch, le poids, la maniabilité et tous ces aspects qui sont difficilement perceptibles à distance. Nos équipes qui travaillent avec l’Asie pour l’OEM et les licences reçoivent quant à elles les échantillons et peuvent les manipuler au siège. Maintenant que nous avons la confirmation d’annulation de l’IFA 2021, nous avons convenu avec les fournisseurs qui avaient l’intention de présenter des innovations rupturistes à Berlin, de planifier une réunion soit digitale, soit en présentiel, à leur siège France en septembre prochain.
La pandémie, mais aussi la législation, accélèrent des tendances comme l’économie circulaire et ses notions de durabilité et réparabilité, le « made in France » ou le « made in Europe ». Tenez-vous compte de ces critères lors de votre référencement et si oui, de quelle manière cela s’exprime-t-il sur votre site et dans vos magasins ?
Nous avons été les premiers à nous exprimer sur le sujet avec l’indice de durabilité et les notions de réparabilité, de fiabilité et de choix durable. Nous sommes le premier collecteur de déchets en France d’équipements électroniques et électriques. Cela représente 1,5 million de produits réparés et 42 500 tonnes de matériaux recyclés, soit l’équivalent de 100 produits qui retrouvent une nouvelle vie chaque jour. Nous mettons en avant les produits qui répondent de plus en plus à ces notions de durabilité et affichons clairement la durée de conservation des pièces détachées sur laquelle nous avons insisté auprès des fournisseurs afin qu’elle soit prolongée.
Tant les magasins que nos sites font figurer cet engagement pour une économie circulaire. A ce titre, nous avons d’ailleurs mis en place une rubrique dédiée « Choix durable » sur la home page du site Darty.com. Celle-ci met en avant une sélection de produits fiables et réparables. Notre objectif est de permettre aux consommateurs d’identifier facilement, en magasin comme sur le site internet, les produits les plus durables de leur catégorie grâce à un pictogramme clairement indentifiable.
Augmentation des coûts de transport et de matières premières, des taxes comme l’éco-participation ou des contraintes liées à l’éco-conception… Tout participe à une augmentation des prix. Etes-vous en accord avec ce constat et si oui, comment cela va-t-il être répercuté dans votre enseigne ?
Depuis toujours, nous connaissons des fluctuations de prix des matières premières et de la logistique. Mais il est vrai que sur les dernières années nous avons constaté une baisse sensible qui a été répercutée pour le client final. Ce cycle s’est inversé et cela signifie une hausse des prix de ventes des produits dans les prochains mois. Ajoutez à cela des bourses mondiales qui viennent tout juste de dévisser, avec pour conséquence un risque inflationniste en Chine et les prix vont logiquement augmenter. Mais cela reste tout à fait naturel et cyclique. Toutefois, cette hausse des prix restera modérée au regard des pressions sur les matières premières et la logistique.
La fonction achat a-t-elle évolué ces derniers temps ? Si oui, de quelle manière et quel est votre regard sur cette évolution ?
La pénurie ne va pas durer « ad vitam aeternam »… Néanmoins, elle fait prendre conscience à ceux qui travaillaient avec un nombre limité de marques que ce n’est pas la bonne option, avec toutes les conséquences que cela peut avoir dans une situation telle que nous connaissons depuis plus d’un an. Sans jeu de mots, la fonction Achat a évolué à la marge pour ceux qui travaillent avec une offre de partenaires élargie et diversifiée pour diminuer le risque. Dans le contexte actuel, la notion d’agilité est plus que jamais essentielle. La diversification des approvisionnements, la prise de risque sur les achats incluant l’anticipation de stockage, la planification longue des commandes de produits et la capacité à suivre une activité Stop&Go seront clés pour réussir l’année 2021 qui ne s’annonce pas comme une année normale.