Free a deux points forts : ses prix et sa communication. Et les deux sont intimement liés. Invité du Grand Journal, son patron Xavier Niel affichait un large sourire. « Nous sommes passés de 0 à 2 milliards de chiffre d’affaires en quelques années et aucune entreprise Française ne l’avait jamais fait ». Aux Etas-Unis, si. Et Xavier Niel est un boss à l’américaine. Son show de lancement a clairement été copié sur ceux de Steve Jobs. Il met ses émotions en avant (il pleure à la fin de la conférence), il incarne son entreprise (combien de Français peuvent citer le nom du Président d’Orange, SFR ou Bouygues Telecom) et ne pratique pas la langue de bois. Ainsi, lorsqu’on lui fait remarquer que son service client affiche les plus mauvais scores de service client, avec seulement 46% de réponse, il déclare : « eh bien ça veut dire que l’on répond à un appel sur deux, c’est bien non ? » Enfin, il a créé le buzz sur on offre mobile en ne disant rien, écrivant un tweet laconique ou inscrivant dans le code source de sa page internet la date du lancement. Une technique inspirée encore une fois d’Apple.
Les deux premier jours,le site internet de Free Mobile a explosé sous l'affluence (un million de connexions en simultané). Il est désormais rétabli
Les limites du lowcost
Mais la comparaison avec Apple s’arrête là. Pour le reste, il faut aller du côté de Mauboussin, le joaillier qui avait empli d’effroi ses collègues de la Place des Vosges en vendant moins cher des bijoux, au prétexte que les marges étaient monstrueuses, trop. Mais Mauboussin est un créateur, et qui a baissé ses prix sans rogner sur la qualité. Chez Free, on est à Internet et à la téléphonie mobile (à voir) ce que Ryan Air est à l’aviation. C’est moins cher mais attention à la panne. Et aux options… En effet, au même titre que le kilo de bagages est au prix du foie gras chez les compagnies aériennes low cost, on ne subventionne pas le téléphone chez Free. Si on veut un iphone 4S, on le paye en plus, sur plusieurs mois, et au final plus cher qu’au comptant et sans remise.
Se pose également la question de la qualité de l’offre. Le prix est séduisant car il comporte Internet. Et on sait que les jeunes, cible privilégiée de Free, sont des grands consommateurs de bande passante. Or Free ne couvre que 30% du territoire, le reste étant sous-loué à Orange. Que se passera-t-il si le réseau est saturé ? Orange ne donnera-t-il pas, en toute logique, priorité à ses abonnés au détriment de Free ? Et qui du service client, déjà défaillant sur l’offre Internet ? Xavier Niel a annoncé recruter 50 postes par semaine dans ce secteur, mais admet que sa société n’est pas la meilleure en assistance après-vente. De plus, Free ne possède pas de magasins en propre, bien que ce soit dans ses objectifs de constituer un réseau.
La zizanie chez ses concurrents
Sur les réseaux sociaux, même les abonnés Free se plaignent du service. Mais ils sont habitués. En revanche, il faut se rendre sur les pages Facebook de SFR ou de Bouygues pour s’apercevoir que l’offre de Free a déclenché une émeute virtuelle. SFR, sur sa page Facebook, prend acte de l’annonce de Free et déclare qu’une réponse sera apportée dans les prochains jours. Or, plus de 5000 commentaires de fans déferlent et annoncent leur intention de quitter l’opérateur. Plus grave, les abonnés de SFR ou Bouygues, et dans une moindre mesure ceux d’Orange, moins nomades, prennent mal le fait que leurs opérateurs baissent leur prix, seulement en réaction à Free. Ils n’oublient pas que Xavier Niel les a traités de pigeons lors de la conférence de lancement, et la communication maladroite des trois opérateurs valide cette impression.
Cela fait longtemps que la presse ou les associations de consommateurs dénoncent les marges de la téléphonie mobile. Mais il a fallu attendre Free pour que les consommateurs en prennent conscience. On ne sait pas encore quels seront les résultats chiffrés de Free (Xavier Niel veut 25% de PDM) mais une chose est sure, cette nouvelle concurrence va faire bouger les lignes chez ce que l’on peut appeler les rentiers des télécoms.