Electroménager reconditionné : l'engouement des consommateurs pousse les professionnels à structurer l'offre

Electroménager reconditionné : l'engouement des consommateurs pousse les professionnels à structurer l'offre

le 11 mai 2021
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Il y a un véritable engouement pour l’achat d’appareils de seconde main et l’électroménager n’y fait pas exception. Les appareils reconditionnés, qui rassurent les consommateurs, sont particulièrement prisés. À tel point que la demande dépasse l’offre. On assiste à une véritable ruée vers l’or, à la fois de la part du grand public mais aussi des acteurs du marché, nombreux à s’atteler à la tâche. Mais pour se développer, le marché de l’électroménager reconditionné a besoin de se structurer. Comment ? Rencontre avec quelques acteurs de la filière électroménager...

Electroménager reconditionné : l'engouement des consommateurs pousse les professionnels à structurer l'offre

Reconditionné : c'est la demande qui va forger l'offre

Lorsque nous avons enquêté, nous avons échangé avec de nombreux acteurs œuvrant dans le secteur de l’électroménager d’occasion et/ou reconditionné. Tous nous ont rapporté les mêmes constats. D’abord, pour que le marché de la seconde main se développe, les consommateurs ont besoin d’être rassurés – un pari que le reconditionné parvient à relever en grande partie. Ensuite, ce marché n’en est qu’à ses balbutiements et a besoin de se structurer, voire de s’inventer. Enfin, paradoxalement, il s’agit plutôt d’un marché de demande que d’offre, ce qui signifie que les consommateurs sont bel et bien prêts à adopter ce nouveau mode de consommation.

 

La distribution apporte sa pierre à l'édifice en matière d'appareils reconditionnés : exemple avec Boulanger 2nd Life. Michaël Rogué, Leader Planète chez Boulanger, confirme que le reconditionné rassure les consommateurs : "notre clientèle attend des produits prêts à l’usage, à savoir des appareils testés, nettoyés et vérifiés avec par exemple une machine à laver au tambour impeccable".

Tout le monde se met à l’électroménager reconditionné

Des appareils reconditionnés, on en trouve désormais via de nombreux canaux. D’abord, à travers des canaux traditionnels, à savoir les acteurs de l’économie sociale et solidaire tels qu’Envie ou Emmaüs. Par exemple Envie, qui propose de l’électroménager reconditionné depuis plus de 30 ans, a su moderniser son offre pour s’adapter aux nouvelles attentes et vend désormais les appareils reconditionnés directement sur son site Internet (depuis mi-novembre), avec un service de livraison. Eric Gastineau, Directeur d’Envie Trappes en Yvelines y voit le signe d’un véritable changement : les gens n’ont plus forcément besoin de voir le produit avant d’acheter. « Cette confiance se gagne mais c’est une révolution. Cela nous conforte dans l’idée que le marché est en train d’évoluer ».
Les acteurs de la distribution eux aussi vendent des appareils reconditionnés : Boulanger avec son offre 2nd Life et le groupe Fnac Darty à travers Fnac 2nde Vie et Darty Occasion. Dans les deux cas, les appareils ont peu servi, parfois pas du tout. Ils sont vérifiés, testés, nettoyés et réemballés pour être vendus. Il faut également ajouter la récente initiative d'Electro Dépôt et le lancement de son concept Reconomia, au printemps 2021.
Quant aux réparateurs, ils sont particulièrement bien placés pour remettre en état des appareils. Il n’est donc pas étonnant de voir certains se lancer dans la vente d’appareils reconditionnés, à l’instar de Murfy, qui en propose depuis octobre 2020.
Enfin, les consommateurs peuvent acheter des équipements reconditionnés sur les marketplaces de sites de vente en ligne. Par exemple Cdiscount ou Rue du commerce disposent de pages dédiées à l’électroménager reconditionné. Les marketplaces spécialisées dans le reconditionné, à l’instar de BackMarket, se mettent elles aussi petit à petit à l’électroménager, parfois fourni par les marques elles-mêmes. Par exemple, le groupe BSH ou Dyson vendent des appareils reconditionnés par leurs soins sur le site devenu célèbre pour la vente de smartphones. Certains fabricants choisissent aussi de vendre via d’autres plateformes comme ebay, où l’on trouve par exemple de nombreux produits reconditionnés et vendus par Philips.

"L’enjeu c’est la facilité d’accès pour le consommateur, pour ne pas le décourager dans sa démarche de consommateur acteur d’une économie plus durable. Il faut que ce soit aussi facile d’acheter du reconditionné que du neuf" selon Eric Gastineau, Directeur d’Envie Trappes.

Des sources d’approvisionnement différentes

Dans le cas des acteurs de l’économie sociale et solidaire, ils s’approvisionnent auprès d’ecosystem. En 2020, 600 000 équipements électriques et électroniques collectés par l’éco-organisme ont pu être rénovés par Envie et Emmaüs – c’est 23 000 de plus que l’année précédente. « Les structures d’économie sociale et solidaire ont bénéficié de ce marché particulièrement dynamique, notamment sur le second semestre pour augmenter leur approvisionnement en produits susceptibles d’être réutilisés ou réemployés » relève Nathalie Yserd, Directrice Générale d’ecosystem.
Chez Murfy, idem, le spécialiste de la réparation collecte des appareils usagés « avant qu’ils ne finissent aux ordures » peut-on lire sur son site. Murfy se propose d’ailleurs de venir récupérer gratuitement, sur rendez-vous, des appareils auprès de particuliers qui souhaitent s’en débarrasser.
Dans ces deux cas, les produits ont donc connu une première vie. Les appareils reconditionnés vendus par les distributeurs suivent un parcours un peu différent. Il s’agit de produits ouverts pour une démonstration, retournés suite à une rétractation de client (14 jours), éventuellement un peu abîmés pendant une livraison ou présentant un défaut esthétique. Certains n’ont même pas été utilisés.
Le parcours de l’appareil a forcément une incidence sur le prix de revente. Par exemple, chez Fnac Darty lorsqu’un consommateur achète un appareil reconditionné, l’économie est de l’ordre de 30% par rapport à du neuf. Elle atteint plutôt 50% chez Envie.

Le reconditionné rassure, les services associés aussi

Le fait que le matériel reconditionné ait été testé, nettoyé et remis en état par des professionnels rassure déjà les consommateurs sur la durée d’usage. Les acteurs vendant des appareils reconditionnés sont également de plus en plus nombreux à proposer des services qui s’apparentent à ceux que l’on rattache habituellement aux appareils neufs. D’abord, la livraison et l’installation, ce qui peut jouer un rôle particulièrement important, surtout dans le cas d’appareils encombrants comme du GEM. Désormais, les appareils reconditionnés sont également garantis (la durée de la garantie peut aller jusqu’à un an selon les vendeurs) ; il s’agit encore d’un point particulièrement rassurant pour les acheteurs.

"Si on a des produits et qu’on s’organise pour les revaloriser, les ventes suivent la demande des clients. C’est plutôt un marché de demande que d’offre" explique Katell Bergot, Directrice Seconde Vie chez Fnac-Darty.

Des consommateurs dans les starting-blocks

Diverses études cherchent à identifier les freins qui empêcheraient les consommateurs d’acheter des appareils d’occasion ou reconditionnés. Mais paradoxalement, ils sont déjà prêts à tel point que l’offre n’est pas suffisante pour répondre à la demande.
À travers son expérience sur le terrain chez Envie, Eric Gastineau constate « qu’il y a clairement une évolution sur la demande d’électroménager reconditionné. C’est une tendance qu’on voit se dessiner depuis quelques années et qui s’accélère en ce moment ». Tous nos interlocuteurs remarquent que les demandes des consommateurs augmentent nettement. Un cap a été franchi en faveur de l’électroménager reconditionné, la crise sanitaire ayant participé à la fois à une prise de conscience écologique et à un besoin de s’équiper ou se rééquiper pour être bien chez soi. Si les consommateurs sont toujours attirés par les prix intéressants, le choix d’acheter du reconditionné pour des raisons écologiques se fait de plus en plus prégnant. « La motivation des acheteurs est un mix entre prix accessible et donc plus économique que le neuf, et réduire son empreinte carbone en achetant local plutôt qu’à l’autre bout du monde » selon Guy Pezaku, cofondateur de Murfy.

"Notre offre de reconditionnement a été lancé en octobre 2020. On a reconditionné dans nos ateliers 3 000 appareils depuis le début, soit 240 tonnes de déchets évités" explique Guy Pezaku, cofondateur de Murfy.

Une offre dépassée par la demande

Cela nous a surpris mais tous les acteurs avec lesquels nous avons échangé affirment que la demande est supérieure à l’offre. Par exemple chez Boulanger, « l’ensemble des produits proposés sur la plateforme trouvent preneur et la plupart d’entre eux sont revendus en moyenne sous 3 semaines. Ces données concernent l’ensemble des produits, que ce soit du multimédia, petit ou gros électroménager » assure Michaël Rogué, Leader Planète chez Boulanger. 

Quant à Katell Bergot, Directrice Seconde Vie chez Fnac-Darty, elle estime que dès qu’un appareil est mis en ligne, il est vendu immédiatement. « C’est plutôt un marché de demande que d’offre… On ne reconditionne pas assez vite par rapport à ce qu’il faudrait. On risque de ne pas avoir assez d’offre par rapport à la demande mais c’est aussi le jeu de l’occasion et du reconditionné. Il y a un peu un côté chasse au trésor » et d’après elle, sur certaines catégories, les clients l’acceptent plutôt bien.
Même constat chez les acteurs de l’économie sociale et solidaire ou encore chez Murfy : « après Paris, Lille et Lyon, nous ouvrons un 4ème atelier à Nantes pour pouvoir proposer plus d’appareils reconditionnés aux consommateurs et ce, sur un territoire le plus large possible. Le week-end on se fait dévaliser, et on remet au plus vite des appareils en ligne pour qu’il y ait du choix ».
La demande est particulièrement importante dans le cas du GEM, les appareils les plus prisés étant les réfrigérateurs, les lave-linge, sèche-linge, lave-vaisselle… D’ailleurs, chez la plupart des acteurs qui proposent de l’électroménager reconditionné, l’offre en GEM est plus développée, certains comme Murfy s’y cantonnent même, sans projeter de développer une offre en PEM. Chez Envie, on nous fait remarquer qu’il ne faut pas oublier de prendre en compte les contraintes économiques : réparer du PEM à faible valeur n’est pas rentable. Toutefois, certaines catégories de PEM se vendent très bien en reconditionné comme l’entretien des sols, le traitement de l’air ou le soin du linge.

Nathalie Yserd constate que "le consommateur se rend compte que le reconditionné lui apporte de la réassurance sur la durée de vie et la qualité du produit. Souvent, les acteurs du reconditionnement proposent d'ailleurs une garantie sur les appareils reconditionnés. Tout ce qui va concourir à rassurer le consommateur sur la durée d’usage du produit va contribuer à développer le marché".

Un marché balbutiant qui doit se structurer

Alors que la loi anti-gaspillage a des ambitions en matière d’allongement de la durée de vie des produits, alors qu’on reconditionne certains appareils depuis des années (comme les smartphones) et que les acteurs sont de plus en plus nombreux à se pencher sur le cas de l’électroménager, on peut se demander pourquoi le marché ne parvient pas à satisfaire la demande.
Si le marché du reconditionné est déjà très développé dans certains domaines high-tech comme les smartphones, les téléviseurs ou les consoles de jeu, celui de l’électroménager n’en est qu’à ses balbutiements. « L’offre n’est pas encore assez développée. Il y a des intentions d’achat qui ne se concrétisent pas parce que l’offre n’est pas déployée sur une large échelle » remarque Nathalie Yserd.
En quelques clics, un consommateur peut trouver plusieurs smartphones reconditionnés de mêmes marque et référence, comparer leur état et leur prix. De la même manière, on peut très facilement évaluer le prix de son smartphone pour le revendre à un spécialiste du reconditionnement. Pour l’électroménager, ces bases de données sont presque inexistantes. Quant à la possibilité de comparer des offres, il n’est même pas question d’y songer tant ce marché est en tension. « Si je prends l’exemple d’Envie Trappes on vend tout ce qu’on produit et on produit de plus en plus, mais la demande est toujours plus importante, donc ça crée une tension sur le choix, ce qui peut être un frein » explique Eric Gastineau.
L’électroménager reconditionné se développe sûrement – pour preuve le nombre d’acteurs qui s’en emparent – mais doucement. Selon Nathalie Yserd, « il y a une offre de produits réemployés et réutilisés proposée par les acteurs de l’économie sociale et solidaire en partenariat avec ecosystem, notamment du gros électroménager. Mais cette demande n’est pas encore captée par les grands acteurs notamment du reconditionné. Parce que les produits sont logistiquement volumineux à transporter, parce que compte tenu de la durée de vie des produits, il faut avoir des pièces détachées… Il y a sans doute un business model qui va se monter pour répondre à une attente des consommateurs, qui concerne l’ensemble des équipements ». « Il faut que les acteurs économiques y croient et accompagnent cette tendance consommateur et ça va se mettre en place » ajoute-t-elle.

Darty étant aussi un acteur important du marché de la réparation, les appareils sont reconditionnés sur place, par les techniciens de Darty.

Comment reconditionner sans techniciens ?

Le gisement de produits à reconditionner existe bel et bien, mais les acteurs du marché peinent à suivre la cadence. La distribution assure sa volonté de développer encore l’offre, sans avoir vocation toutefois à en faire une activité à part entière : le but est de revaloriser les produits à disposition, un gisement déjà important. La réponse pourrait venir du côté des spécialistes de la réparation, mais comment reconditionner encore plus d’appareils quand le manque de techniciens spécialisés se fait déjà cruellement sentir ? Car allouer des ressources qualifiées au reconditionnement reviendrait à priver le secteur de la réparation déjà en tension d’une partie de sa main d’œuvre. Cela ne risquerait-il pas d’engendrer d’autres freins en allongeant les délais d’intervention, ce qui inciterait les consommateurs à acheter neuf sans même chercher à réparer ? Pour accompagner le développement du marché de l’électroménager reconditionné, être à la hauteur des ambitions de la loi anti-gaspillage et répondre aux nouvelles tendances de consommation des Français, il semble plus urgent que jamais de former des techniciens réparateurs.

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