Colin Angle

PDG d’iRobot

Colin Angle

le 12 juin 2018
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Aux Etats-Unis, pour la toute première fois, les ventes d’aspirateurs classiques ont diminué, et celles des aspirateurs-robots ont cru de plus de 50%.

Interview : Alexandra Bellamy

Neomag. Les robots haut de gamme représentent une part importante du marché des apirateurs-robots, environ 25%... Comment expliquez-vous ce phénomène ?

Colin Angle. Le marché croit très rapidement. En 2017, la croissance s’est accélérée. Le aspirateurs-robots constituent maintenant une industrie majeure. De tels changements interviennent lorsque dans un secteur établi, environ 20% des revenus de ce secteur va à une nouvelle catégorie. Par exemple, sur le marché du café, lorsque les machines à dosettes (Culligan et Nescafé) ont atteint 20% du marché, la croissance du marché a changé. Aujourd’hui, environ 20% de la valeur générée par l’entretien des sols va aux aspirateurs-robots. Aux Etats-Unis, pour la toute première fois, les ventes d’aspirateurs classiques ont diminué, et celles des aspirateurs-robots ont cru de plus de 50%. C’est un tournant très important pour les robots. Concernant votre question sur les robots haut de gamme, en 2016 tout était «premium» ; il n’y avait pas vraiment d’entrée de gamme. Maintenant, les consommateurs ont davantage de choix, les tarifs sont plus étendus. En France, notre robot le plus vendu est le Roomba 980, le plus haut de gamme. Ce segment premium est très important pour nous ; nous nous assurons de développer de nouvelles technologies pour continuer de le rendre désirable.

 

Les clients accordent une valeur importante au travail réalisé par le robot

 

Neomag. Pensez-vous que vous pouvez encore augmenter le prix de ces robots «Premium» ?
Colin Angle. Je pense que nous sommes proches de la limite (NDLR : le Roomba 980 a été lancé à 1 200 € ; actuellement, il est vendu à 999 € - hors promotion). Si nous augmentons trop, le marché risque de décroître. Nous nous assurons aussi que les technologies embarquées dans nos robots haut de gamme soient démocratisées sur les modèles plus abordables. Je pense qu’il y a toujours des opportunités parce que les clients accordent une valeur importante au travail réalisé par le robot.

Neomag. Estimez-vous qu’il est possible de concevoir un bon robot à 200 $ ?
Colin Angle. Je pense que c’est très compliqué. Vous pourrez effectivement développer un robot à 200 $, qui offrira certains services mais il ne retournera pas à sa base de manière fiable, il n’aspirera pas très bien… Va-t-il remplacer votre aspirateur ? Certainement pas. Va-t-il fonctionner tous les jours ? Certainement pas non plus. Il faut juste se demander quel est votre niveau d’exigence dans le nettoyage de votre maison. Si vous dépensez 200 $, vos attentes sont sans doute moins élevées que si vous dépensez 800 euros dans votre robot. Vous pouvez être satisfait d’un robot moins cher, à condition que vos attentes soient moins élevées.

Neomag. Vous indiquez que le Roomba 980 est capable de nettoyer partout dans la maison alors que les autres Roomba sont capables de nettoyer une pièce. Etes-vous sûr que les consommateurs comprennent bien cette différence ?
Colin Angle. C’est l’une des différences entre le haut de gamme et l’entrée de gamme. Mais il y en a d’autres comme les extracteurs de débris (NDLR : des tubes en caoutchouc qui remplacent la brosse centrale sur les modèles haut de gamme, moins salissants et plus faciles à nettoyer), la puissance d’aspiration… Le comportement des consommateurs montre que les fonctions haut de gamme du Roomba 980 sont assimilées. Il est très courant qu’ils achètent une entrée de gamme, l’apprécient et s’ils veulent mieux, alors ils sautent le pas – cela signifie que l’ensemble des fonctionnalités et leur bénéfice est bien compris.

Le comportement des consommateurs montre que les fonctions haut de gamme du Roomba 980 sont assimilées

Neomag. Mais la manière dont il se déplace est très importante (NDLR : la série 900 - avec notamment le Roomba 980 - est la seule de la gamme à cartographier et naviguer de manière systématique) …
Colin Angle : La manière dont il se déplace est en effet importante, mais même les robots d’entrée de gamme sont très doués et peuvent couvrir presque 100% de la surface de la pièce. De plus, vous n’êtes pas supposé les regarder travailler. Je pense que le premier bénéfice de la navigation systématique aujourd’hui, c’est que le robot peut retourner sur sa base pour se recharger puis reprendre son travail, donc si vous avez une grande surface, il peut en couvrir la totalité.
L’achèvement de la mission est l’une de nos principales priorités, sur tous les robots. Parce que si le robot ne retourne pas se recharger, vous devrez intervenir et ça n’est pas satisfaisant. La cartographie permet au robot de savoir où est sa base depuis n’importe quel endroit de la maison et offre un taux de réussite important. C’est l’un des gros avantages de la navigation systématique par rapport à la navigation 1.0. Mais les deux font du très bon travail.

 

Le futur de l'aspiration des sols : un robot + un balai ? 


Neomag. Votre robot haut de gamme est-il en mesure de remplacer complètement l’aspirateur ? Vous savez que James Dyson a arrêté de développer des aspirateurs-traîneaux pour se concentrer sur les balais ?
Colin Angle. Le futur de l’entretien des sols, c’est un Roomba et un aspirateur-balai. Le Roomba pour tout le sol et un aspirateur-balai pour les canapés – là, vous tenez une solution complète. L’aspirateur-balai et l’aspirateur-robot sont les deux catégories qui croissent très rapidement (aux Etats-Unis les ventes des autres aspirateurs décroissent même). Un sacré changement est en train de s’opérer. Dyson a fait un très bon aspirateur-balai ; les gens peuvent espérer tout nettoyer en achetant cet appareil et un Roomba.

Neomag. Pas un robot Dyson ?
Colin Angle : Il n’a pas de succès…

Neomag : Cela montre-t-il que même une compagnie douée pour les nouvelles technologies comme Dyson n’est pas en mesure de développer un bon robot ?
Colin Angle. Concevoir un robot est très compliqué et il faut investir beaucoup d’argent. Dyson a investi 14 ans et 47 millions de dollars pour concevoir ce robot. Lorsque nous avons su cela, nous n’avons pas été inquiets. Nous avons dépensé 100 millions de dollars rien que l’année dernière en R&D. Je pense que Dyson a sous-investi. Ils ont une excellente réputation, ils ont mis au point de très bonnes technologies, notamment dans le domaine des moteurs, mais c’est seulement une petite partie de l’aspirateur.

Améliorer la compréhension de l’espace est important, car vous pourrez vous contenter de dire «Roomba, nettoie ma cuisine»

Neomag. Dans 3 à 5 ans, qu’est-ce que Roomba pourrait être capable de faire ? Quelles fonctionnalités pourrait-il gagner ?
Colin Angle. Nous en sommes encore aux premiers pas des robots à la maison. Je pense qu’à chaque étape où il est nécessaire de toucher au robot, nous avons une opportunité d’améliorer son design.
L’idée de nettoyer la brosse était terrible ; nous avons donc inventé un système pour que les brosses se nettoient toutes seules (NDLR : les extracteurs de débris). Nous voulions que le robot soit capable de nettoyer un intérieur quelle que soit sa dimension sans que vous ayez à le changer de place, donc le système de navigation était très important. Certaines innovations qui vont réduire la nécessité d’interagir avec le robot existent déjà. Améliorer la compréhension de l’espace est important, car vous pourrez vous contenter de dire «Roomba, nettoie ma cuisine» ; nous aurons certainement bientôt l’occasion de parler de robots capables de nettoyer des zones plus spécifiques de la maison.
Par ailleurs, iRobot ne fait pas seulement des aspirateurs-robots, donc une autre possibilité consiste à envisager des robots qui fonctionnent ensemble. Nous travaillons depuis 28 ans et avons investi beaucoup en R&D. L’entreprise compte sur une croissance du marché estimée à 20% l’année prochaine et autant les deux années suivantes. En augmentant les bénéfices de manière modeste, iRobot compte investir massivement en R&D, notamment pour développer un nouveau produit.

Neomag : Après les aspirateurs-robots et les robots laveurs de sols, sur quel secteur iRobot pourrait donc se lancer ?
Colin Angle : Je ne vais pas vous parler de ce qui va bientôt arriver. Mais je peux juste dire ce que j’ai déjà révélé : nous travaillons sur un robot tondeuse. J’ai aussi parlé de ma vision sur le long terme où nous nous intéressons aux robots qui peuvent faire plus que maintenir votre intérieur propre, des robots qui peuvent interagir avec les personnes ; nous travaillons aussi sur de telles technologies.
Pour réaliser certaines tâches, les robots doivent devenir plus intelligents ; c’est l’un des points sur lesquels nous nous concentrons. Nous entendons beaucoup parler d’Intelligence Artificielle mais ça n’est pas vraiment ce que nous attendons des robots.
Pour qu’un robot soit plus intelligent, il a surtout besoin de comprendre son environnement. Pour prendre un exemple simple : si pendant 20 ans vous entendez la phrase «va à la cuisine me chercher un verre de vin», la comprendre ne suffit pas si vous ne savez pas où se trouve cette pièce. Nous travaillons sur des technologies pour comprendre où est la cuisine, où est le réfrigérateur, comment l’ouvrir… Beaucoup de ces tâches et de ces aptitudes doivent être résolues ; quand ce sera le cas, nous aurons l’opportunité de créer un robot d’un nouveau genre. Nous travaillons dur et les années à venir seront très excitantes.

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