Quelle surprise de lire il y a peu, sur Linkedin, cette question ainsi formulée : "Quelqu’un aurait des idées pour contrer, en magasin, le modèle Amazon ?" La surprise n’est pas tant dans la question que dans l’identité de celui qui la pose, à savoir le manager d’une enseigne française de la grande distribution. La réponse est aujourd’hui trouvée par les dirigeants des grandes enseignes françaises. Et elle tient en un mot : alimentaire ! Un domaine où Amazon, contrairement au non-alimentaire, n’est pas encore au top.
Car les chiffres sont là. De 2010 à 2016, la part du non alimentaire dans le chiffre d’affaires des hypermarchés est passée de 26,4% en 2010 à 19,6% en 2016. L’animation Bonial/Nielsen (en bas de page) affiche clairement cette perte de parts de marché. Et en électroménager, les GSA ont perdu 3 points en 5 ans pour le GEM et 5 points pour le PEM. Ces chiffres ont donc pour conséquence un changement de cap ordonné au plus haut niveaux des directions des grands groupes.
Entre 2011 en 2016, la part de marché des Hypers/Supers dans le Gros Electroménager est passé de 10% à 7%. L’an dernier, le nombre d’acte d’achats en la matière dans ce circuit, accusait également une baisse de l’ordre de 6%. Ce qui, avec 1,6 millions d’actes d’achats place les hypers au même niveau que les traditionnels (1,7 millions d’actes d’achats), sauf que ces derniers ont un panier moyen plus de fois plus élevé…
Cap vers l’alimentaire pour les GSA
Le premier à avoir clairement formulé ce cap est le patron de Casino, Jean-Charles Naouri, Déjà en 2012, il annonçait son intention de réduire la surface de ses magasins, en prenant notamment sur les rayons des biens techniques. Une volonté qui se traduit aujourd’hui par un déport de l’offre vers internet. Et bien sûr Cdiscount, qui appartient au même groupe. Ce dernier a fait des efforts pour soigner son image ces dernières années, et ses services tels que la livraison. Des livraisons plus rapides (en un jour pour l’électroménager), et des points de retraits situés dans les magasins du groupe. "Nous souhaitons significativement élargir l'offre non-alimentaire de notre site, a déclaré Jean-Charles Naouri au sujet de Cdiscount, ajoutant, nous désirons en parallèle accroître le nombre de vendeurs sur la marketplace".
Un concept de déplacement du non-alimentaire que l’on trouve également chez Intermarché. Ce groupe a fait de l’alimentaire sa priorité en magasin, comme en témoigne sa campagne de communication actuelle "Vous aidez à mieux manger un peu tous les jours" (voir vidéo ci-dessus), en rupture totale avec les codes habituellement utilisés dans le secteur.
Et pour le reste, Intermarché va compter sur intermarche.shopping.fr, place de marché destinée à développer l’assortiment non alimentaire au sein du groupe.
Chez Carrefour et Auchan, même si l’on se montre moins définitif sur le sort à réserver aux rayons des biens techniques, la stratégie est aussi de repenser entièrement le concept d’hypermarché. Et en l’abordant aussi par l’alimentaire.
La vision actuelle et pour le futur qui a été évoquée lors des dernières présentations de résultats des grands groupes de distribution alimentaire tourne autour de "nouveaux espaces de consommation", de Bio, de production locale mais aussi "d'espaces de divertissement et de loisirs" pour retrouver le plaisir de faire ses courses. En clair, redonner de la valeur aux rayons alimentaires pour répondre aux nouvelles aspirations des consommateurs actuels, mais aussi de ceux des nouvelles générations.
Une stratégie de valeur et de montée en gamme qui, visiblement, ne sera pas appliquée aux téléviseurs et autres appareils électroménager. On restera donc probablement sur du premier prix ou de la MDD, mais vendus en mode promo sur le net. Dans les biens techniques, ce sont donc les spécialistes qui auront donc, davantage encore, leurs cartes à jouer sur le terrain du commerce de produits et de solutions à valeur ajouté. Des spécialistes, grands mais aussi petits, qui devront sans doute, eux aussi, repenser leur façon de vendre.