Marketplaces : un modèle économique remis en cause ?

Marketplaces : un modèle économique remis en cause ?

le 24 octobre 2018
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Au mois de septembre, une enquête préliminaire a été lancée sur Amazon par la Commissaire à la Concurrence de l’Union Européenne Margrethe Vestager pour utilisation des données des vendeurs opérant sur son site, dans le but de favoriser les ventes de ses propres produits. Pour Jean-Paul Crenn, fondateur de VUCA Strategy, cabinet conseil en e-commerce et transformation digitale, au travers de cette enquête c’est le modèle économique de l’ensemble des marketplaces qui est remis en cause. Explications…

«Avant d’aller plus loin il est crucial d’opérer une distinction entre les deux types de marketplaces, explique Paul Crenn. D’un côté, il existe des marketplaces « neutres », ce sont celles qui ne proposent sur leurs plateformes que des biens et des services provenant de tiers (eBay ou Etsy). D’un autre, il y a celles que nous appellerons « duales », c’est-à-dire qui sont déjà des e-commerçants (pure players ou click and mortar, peu importe) et qui ouvrent leurs catalogues à d’autres commerçants pour que ces derniers puissent tirer profit de leur flux de visitorat qualifié. C’est Amazon qui a réellement lancé, le 7 novembre 2003, cette deuxième forme de place de marché. En France, de nombreux acteurs ont saisi l’opportunité plusieurs années par la suite, tels Cdiscount, La Redoute, Fnac, Darty, Auchan, voyant là une façon habile d’accroître une croissance et une marge défaillantes. 

Des éditeurs de solutions logicielles dédiées à la création de marketplaces se sont engouffrés dans la brèche, tels Mirakl ou Izberg, allant jusqu’à proclamer que « la Marketplace est l’avenir du e- commerce » pour convaincre les indécis. Pourtant le modèle économique de la marketplace « duale » présente une tare irréductible. 

Les deux métiers d'Amazon

Quand la Commissaire Vestager affirme que « cela concerne la donnée » qu’Amazon collecte sur les petits marchands, elle met, bien sûr, le doigt sur ce qui fait mal. « Utilisez-vous également cette donnée pour réaliser vos propres calculs sur ce qui va être la prochaine tendance, sur ce que veulent les gens, le type d’offres qu’ils souhaitent recevoir, ce qui leur fait acheter des choses ? » ajoute-t-elle à l’attention de la firme de Seattle. Elle souligne ainsi cette tare irréductible de la marketplace « duale », que nous dénonçons depuis plusieurs années : penser que l’on peut faire loger sans risque de jeunes alevins dans l’aquarium d’un poisson carnassier. 

Amazon a bien deux métiers, celui de commerçant et celui d’hébergeur d’autres commerçants. L’usage des données est-il alors uniquement utilisé pour améliorer ses services auprès des autres commerçants ou permet-il également de promouvoir ses propres ventes ? La puissance des géants du Net qui proposent une plateforme à d’autres entreprises nécessite qu’ils agissent avec équité. Google s’est fait épingler à ce sujet par l’Union Européenne en juin 2017 avec une amende de 2,4 Mds d’€. 

En jeu, la dissociation des activités de retail et de marketplace

Pour l’Europe le message est clair, les plateformes doivent traiter les services concurrents sur un pied d’égalité mêmes si ceux-ci les utilisent pour gagner de la visibilité. Pour les marketplaces « duales » cela signifie que leurs clients sont également ceux de leurs partenaires, ce qui implique de leur communiquer non seulement l’ensemble des coordonnées client mais aussi les données de navigation sur la plateforme. Cela veut également dire que les demandes de codes EAN ne sont pas utilisées pour tracer les fournisseurs des partenaires, pas plus que celles liées à la lutte contre la contrefaçon, que les données des ventes ne sont ni analysées ni exploitées, que le commerçant peut mettre sa publicité dans ses colis, etc. Ceci met en cause le fonctionnement intrinsèque des marketplaces et peut impliquer le démantèlement d’Amazon. Avec ses armées d’avocats Amazon va batailler ferme car, au final, la menace va au-delà d’une amende pouvant aller jusqu’à 10% de son chiffre d’affaires mondial. Ce qui est en jeu c’est son démantèlement : la dissociation de ses activités de retail et de marketplace, seule opération permettant de garantir l’étanchéité des données entre les deux activités. 

Les demandes d’éclaircissements de la Commissaire Vestager auprès de la pieuvre de Seattle vont également impacter les autres marketplaces. Car si elles sont bien moins dominantes qu’Amazon, elles présentent néanmoins un rapport de force bien souvent disproportionné par rapport aux commerçants qu’elles hébergent. Il faudra alors qu’elles démontrent leur impartialité totale. Et cela risque d’être fort complexe... d’autant plus que des centaines de cas montrent que la plupart des marketplaces– pour ne pas dire toutes – se servent sans vergogne des données de leurs plateformes pour privilégier leurs offres. A moins que ce ne soient que des coïncidences ?  Les marketplaces rejoindront alors le cimetière des promesses pipées du e-Commerce, tels l’affiliation, les comparateurs de prix ou le référencement naturel ». 

 

 

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