« Les dirigeants d’Orange disent ici et là que 400 millions « c’est rien », juste l’épaisseur d’un trait de crayon sur un contrat. Ca peut paraître surprenant au moment où les français s’inquiètent pour leur pouvoir d’achat… » Dans une interview accordée au Journal du dimanche (8 juin), Rodolphe Belmer, DG adjoint de Canal Plus, oppose un argument disons-le légèrement démagogique à la puissance d’acquisition d’Orange. Trouvant également « disproportionné » le bruit fait autour de l’entrée d’Orange dans son domaine réservé, et notamment le soutien dont Orange bénéficierait de la part de la presse, Rodolphe Belmer affirme également que « laisser entendre qu’ils (Orange) seraient l’égal de Canal… est ridicule ».
Canal trop sûr de lui ?
Aujourd’hui, ces propos sont vrais. Canal Plus a dans le cinéma et le sport, particulièrement le football, une longueur d’avance. Mais demain ? Orange a en effet payé plus de deux cents millions d’euros le droit de diffuser un match de ligue 1, obtenu la diffusion sur la téléphonie mobile, co-produit le dernier film de Jean-Paul Rouve, signé un accord avec Warner, pris une fréquence sur la TMP, fait son entrée sur le satellite avec Orange TV… Ce dernier point est d’ailleurs important quand on sait que l’adsl limitait fortement la pénétration d’Orange sur le marché. Après l’accord avec eutelsat, qui permet la diffusion via satellite, Orange TV couvrira 24 millions de foyers, soit 98% de la population. Une offre triple pay disponible dès juillet.
Chez Canal, qui a pour armes un actionnariat puissant (Vivendi) et une image très forte, la venue d’Orange est plus inquiétante qu’il n’y paraît. D’autant plus que Canal Plus (arrogance ou panique ?) entre en conflit ouvert avec ses partenaires historiques que sont les distributeurs indépendants, en l’occurrence vous chers lecteurs. Pour preuve, cette réaction de l’UGEM (qui représente les enseignes du commerce associé) qui remet en cause la politique commerciale de Canal Plus à l’égard de ses adhérents.
Un grand industriel français avait eu aussi l’idée un jour que l’on pouvait se passer des milliers de magasins que représente le commerce associé. Avant de changer d’avis face à la baisse de ses ventes et la montée de ses concurrents. Alors Canal Plus va-t-il réagir mieux et plus vite ? Car en attendant, Orange continue ses investissements, avec une puissance conférée par les confortables marges que lui assure la téléphonie mobile. De là à racheter une grande chaîne française ?
«Du calme », déclare Gervais Pélissier, directeur financier de l’opérateur, dans Capital. « Nous avons peut-être les moyens de racheter TF1. Mais cela ne rentre pas dans notre raisonnement ». A moins que Martin Bouygues, lassé des mauvaises performances de sa filiale TV et de la chute de l’action, ne pense à s’en séparer. Et dans ce cas, même s’il est concurrent dans la téléphonie, Orange serait l’un des seuls à pouvoir signer un chèque, d’un trait de plume…