Le vendeur de demain sera-t-il encore humain ?

Le vendeur de demain sera-t-il encore humain ?

le 20 janvier 2015
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En faisant appel à des robots pour présenter une offre produits et accélérer les ventes en magasin, les enseignes mettent-elles en péril le métier de vendeur ? Si pour nos enseignes occidentales, la robotisation est pensée comme une nouvelle approche dans la communication avec le client, pour d’autres, elle constitue une réelle opportunité. Une robotisation de la relation avec le client qui peut faire débat, mais qui témoigne des progrès de l’intelligence artificielle.

 

Par Sandra Nicoletti

 

C’est un vendeur d’un nouveau genre. 58 cm de haut, une allure plutôt joviale, presque enfantine, qui vous scrute et attend son public pour prendre la parole. Présentation de produits, mais aussi de services proposés par l’enseigne, puis passage de relais vers un vendeur en chair et en os, cette fois-ci. Lui, c’est Nao, un robot humanoïde conçu par la société française Aldebaran Robotics. Un assistant de vente un peu particulier qui a surpris et séduit les clients du magasin Darty République, où il a pris place durant 4 jours. Son rôle : présenter l’offre connectée de l’enseigne Darty, et plus particulièrement le concept d’éclairage connecté Hue de Philips. Certains l’auront peut-être déjà vu aux côtés de Thierry Ardisson sur l’émission Salut Les Terriens, diffusée chaque samedi sur Canal +. Un petit être humanoïde qui attise la curiosité et laisse place à l’imagination, mais qui pose questions.

 

Une nouvelle approche dans la communication avec le client

S’appuyant sur l’intelligence artificielle, émotionnelle et intuitive, ces vendeurs d’un nouveau genre pourraient-ils remplacer un jour les vendeurs humains ? Potentiellement, oui. Mais les risques seraient grands. Proximité annihilée, déshumanisation de la fidélisation à une enseigne, emplois menacés, etc. Car, on le sait, si le e-commerce progresse, nombreux sont les consommateurs à s’informer et parfois réserver leur produit en ligne, mais ils aiment retirer ou finaliser leur achat dans un point de vente physique. Envie d’un avis de la part d’un professionnel pour certains, besoin de toucher et voir le produit pour d’autres. Le magasin et la proximité avec le vendeur restent essentiels dans la vente. A l’heure où la proximité est plus que jamais de mise, la robotisation du métier de vendeur est-elle envisageable ? Pour Darty, il n’est pas question de remplacer le vendeur, mais plutôt d’apporter un complément à la vente, en proposant une nouvelle approche dans la communication avec les clients. Equipé de micros, de haut-parleurs, de caméras et de capteurs interactifs, Nao est également capable d’attraper des objets. Dans ce contexte, il présente de nombreux atouts pour une enseigne. Et les Japonais ne s’y sont pas trompés en utilisant Pepper, le grand-frère de Nao, dans les grandes surfaces.

 

La robotisation considérée comme une opportunité au Japon

Pepper est un robot un peu plus grand, équipé d’une tablette sur « son ventre » et capable de détecter les émotions et de vivre de manière autonome. Sidérant et certainement un peu troublant. Conçu pour le compte de SoftBank Mobile -l'un des plus grands opérateurs de téléphonie mobile du Japon- Pepper accueille et divertit les visiteurs dans leurs points de vente. La filiale nippone du groupe Nestlé vient également d’utiliser Pepper dans les grandes surfaces pour accélérer les ventes de ses machines à café, avec pas moins de 1000 robots en action prévus cette année. Mais le Japon reste un pays vieillissant avec une main d’œuvre en baisse et la robotisation s’avère pour eux une opportunité. Le gouvernement investit d’ailleurs fortement sur cette industrie qui « devrait atteindre 100 milliards de dollars d’ici 2025 » selon nos confrères de BFM Business. Mais le contexte démographique, économique et culturel de la France est loin d’être le même. Le numérique pourrait ainsi supprimer jusqu’à 3 millions d’emplois en France, selon une publication du cabinet Roland Berger sur les classes moyennes face à la transformation digitale. 

 

Photo : « SoftBank pepper » par Tokumeigakarinoaoshima 

 

Dans ce même rapport, le cabinet ajoute : « Les entreprises digitales connaissent la croissance la plus dynamique et les entreprises françaises doivent impérativement engager la numérisation de leurs activités. Mais les emplois créés ne se substitueront pas aux emplois détruits, ni en termes de niveau de compétence requis, ni en termes de position sur la chaîne de valeur, ni en termes de répartition géographique ». En résumé, le vendeur « humain » reste essentiel dans le magasin. Lick, l’enseigne dédiée aux objets connectés, a peut-être trouvé la bonne solution avec son robot Beam qui accompagne les vendeurs, mais de façon un peu différente. Il s’agit là d’un robot de téléprésence, commandé à distance par un « véritable » vendeur.

 

Les dérives de l’intelligence artificielle

La France est un pays latin où le contact, les rapports humains et la proximité font partie du patrimoine. Robotiser le métier de vendeur paraît inconcevable dans ce contexte. Mais utiliser les robots en tant qu’accompagnateurs de clients ou animateurs de vente peut s’avérer utile et attrayant pour le consommateur, dans une certaine limite. En 1984, lorsque le film Terminator est sorti en salles, les dérives de l’intelligence artificielle étaient déjà soulevées. Aujourd’hui, ce sont plus de 1500 ingénieurs et universitaires (dont le physicien Stephen Hawking, ou encore Eric Horvitz, Directeur de la recherche de Microsoft), qui viennent de signer une lettre ouverte. Ils y dénoncent les dérives d’une intelligence artificielle, dont les progrès techniques seraient en dehors de toute considération sur les progrès sociétaux qu’elle doit apporter.

 

Point de vue

Xavier Basset, Président Fondateur de la société Hoomano

 

Hoomano est une société française qui conçoit, développe et déploie des comportements sur mesure pour robots humanoïdes. Elle est, entre autres, à l’origine du développement du logiciel pour le robot Nao, utilisé dans certains points de vente Darty. La rédaction de Neomag l’a interrogé sur l’intelligence artificielle et ses conséquences sur le métier de vendeur.

« L’intelligence artificielle ne doit faire que ce que l’on attend d’elle, rien de plus. Et c’est précisément ce que nous faisons chez Hoomano en développant des applications intuitives élaborées à partir des attentes de nos clients. Avec nos solutions, nous élaborons ensemble de nouveaux axes de création de valeur dans les processus métiers. Dans le cas de Darty, Nao apporte un véritable « plus » dans la démonstration client, par rapport à ce qui existe aujourd’hui dans le Retail. Nao crée une interaction entre le client et le vendeur, mais son rôle s’arrête là. Dans ce contexte, le métier de vendeur n’est pas en danger. Le vendeur reste l’acteur central de l’acte de vente. Dans notre monde occidental, les relations s’articulent autour de l’empathie et d’une certaine forme de séduction dont seul les humains sont capables. Une relation basée sur les fondements même de l’être humain. En revanche, ce qui pourrait paraître dangereux pour le métier de vendeur, serait de ne pas utiliser ce nouvel outil de communication. Le métier de vendeur évolue, mais il évolue depuis qu’il existe. Dans un univers de plus en plus connecté, proposer un accompagnement à la vente est un excellent moyen pour se différencier de la concurrence ». 

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