Bruxelles : une loi à mettre le e-commerce dans les choux

Bruxelles : une loi à mettre le e-commerce dans les choux

le 31 mars 2011
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Allonger le délai de rétractation à 28 jours, faire payer au site les frais de retour mais aussi rembourser les frais de livraison, obligation de faire traduire son site en 25 langues, mettre des prix en 7 monnaies différentes, établir 25 contrats de livraison... Voici ce que devront faire les sites de e-commerce français si la loi passe dans deux mois à Bruxelles. Etablie dans le cadre de la directive « Droits des consommateurs », cette décision s'appliquera à tout le monde, même à une PME qui ne vend qu'en France. En dehors des contraintes techniques, c'est bien la rentabilité du e-commerce qui sera affectée, surtout dans le domaine de l'équipement de la maison...


Par Philippe Michel


Neomag a toujours milité pour une concurrence saine entre la distribution traditionnelle et le e-commerce, notamment dans les domaines du service et de la transparence des prix. Mais il faut avouer que le projet de loi, qui semble bien parti pour être adopté, nous interpelle quant à sa cohérence, pour rester en des termes courtois. En effet, si l’on prend l’exemple du remboursement des frais de livraison et de retour d’un produit qui n’est plus voulu par le consommateur, on constate qu’en Allemagne, où cela est en vigueur, le taux de retour est 2 à 3 fois plus élevé. Cela signifie-t-il que les consommateurs allemands ne savent pas ce qu’ils veulent, que les transporteurs sont maladroits ou que les produits sont mauvais ? Où que certains consommateurs n’hésitent pas à « surprofiter » des avantages donnés…
Quant aux obligations de multiaffichage en prix et en langues, si l’on considère que les grands sites ont les structures pour s’y plier, quid des petites et moyennes entreprises nationales ? Pour Marc Schilacci, PDg d’Oxatis, c’est l’avenir même du e-commerce qui est en cause. Dans une tribune parue sur le journal du net , il expose sa vision de la loi et apporte quelques solutions marquées du sceau du bon sens.
Comme vous pourrez le lire ci-dessous, les principaux acteurs du e-commerce se mobilisent en France, mais aussi en Europe. Une réaction vive mais argumentée qui devrait faire infléchir, et nous l’espérons réfléchir, les auteurs de cette loi kafkaienne…

Quelle loi pour quels résultats : la FEVAD communique
Représentant les principales sociétés de la vente à distance, la Fevad a évidemment très mal accueilli le projet de loi. Elle est soutenue par de grandes sociétés du e-commerce, comme Pixmania, mais aussi des plate-formes de e-commerce comme Oxatis et, plus généralement, par le commerce via le soutien du CCF ( Conseil du Commerce de France… Voici le communiqué rédigé par la Fevad…

L’Europe veut-elle vraiment stopper la croissance et favoriser la hausse des prix sur Internet ?
Alors que le commerce en ligne est aujourd’hui un secteur qui séduit désormais plus de 150 millions de consommateurs en Europe, qui crée des emplois et qui encourage la création d’entreprises, le Parlement européen a approuvé, le 24 mars dernier, une série de mesures qui pourraient très sérieusement remettre en cause son développement.
Ces mesures ont été adoptées dans le cadre de la Directive sur les droits des consommateurs, qui comprend plusieurs dispositions relatives aux contrats conclus à distance. Convaincue que le régime de protection des consommateurs joue un rôle important dans le développement du commerce en ligne, la Fevad est favorable à l’instauration d’un cadre juridique européen clair, efficace et équilibré. Elle dénonce cependant certaines mesures envisagées qui seraient lourdes de conséquences pour les entreprises et les consommateurs, et qui pourraient de ce fait compromettre l’avenir du secteur.

Des mesures excessives et disproportionnées
Selon la proposition de directive « Droits des consommateurs », les sites de commerce électronique auront l’obligation de livrer dans toute l’Europe. Ainsi une PME qui ouvre un site en France devra dès le début prévoir un système de paiement en 7 monnaies différentes, un système de traduction en 25 langues et des contrats de livraison dans 27 pays !
Alors que dans la majorité des pays européens, le client dispose de 7 jours pour changer d’avis et retourner le produit, l’Europe a décidé d’étendre à 2 fois 14 jours la durée légale du droit de rétractation : Le client disposera de 14 jours pour indiquer qu'il se rétracte, puis à nouveau de 14 jours pour retourner le produit. Au total, la durée du droit de rétractation est donc portée à 1 mois, soit 4 fois supérieure à celle qui existe actuellement.
Selon le texte, le site marchand devra dans certains cas rembourser le consommateur avant même d’avoir reçu le produit retourné, quitte à découvrir par la suite que le produit est endommagé et inutilisable.
Enfin, pour toute commande supérieure à 40€, l’entreprise sera tenue de rembourser les frais de retour (en plus des frais de livraison), au client qui au bout de 14 jours change d’avis et décide de retourner le produit. Au total, pour beaucoup d’entreprises, cela revient à doubler la perte financière pour chaque retour. La Fevad considère que cette mesure, proposée par certaines entreprises au titre de leur politique commerciale, n’a pas lieu d’être étendue au titre d’une obligation légale.

Des mesures qui vont fragiliser l’équilibre financier de beaucoup d’entreprises
La Fevad considère que ces mesures seront lourdes de conséquences sur la santé financière de beaucoup d’entreprises en Europe notamment pour les PME et TPE.
D’une part, en raison du coût direct qu’elles représentent. Ainsi, pour une commande de 40€, la perte directe pour le vendeur peut être estimée à 10€ (sans compter la perte liée aux produits endommagés). Pour certains produits (équipement de la maison), la perte sèche pourra atteindre plus de 100€ par produit retourné.
D’autre part, ces mesures entraîneront également une forte augmentation du nombre de produits retournés car elles inciteront certains clients à commander plusieurs produits à la fois, parfois même sans réelle intention d’acheter. L’Allemagne qui, depuis 2010, impose le remboursement des frais de livraison et de retour du produit, connaît des taux de retour deux à trois fois plus élevés qu’en France.
Le coût de cette mesure pour un site spécialisé dans l’univers de la maison (et en ne prenant que les commandes livrées en France) peut être estimé à  plus de 100.000 € par an pour une PME réalisant un chiffre d’affaires de 3 millions et à plus d’un million pour celle qui enregistre un chiffre d’affaires de 30 millions, soit environ 5% du chiffre d’affaires.
L’impact de cette mesure sera d’autant plus important que la gratuité des frais de livraison et de retour s’appliquera à toutes les commandes, y compris pour les produits livrés à l’autre bout de l’Union. Comment envisager qu’une PME ou un auto-entrepreneur puisse supporter de telles charges ?

Des mesures qui auront un impact négatif pour les consommateurs
Ces mesures auront des répercussions inévitables sur le niveau général des prix. Compte tenu du faible niveau de marges observé dans le e-commerce, la plupart des entreprises n’auront pas d’autres choix que d’augmenter leurs prix de vente sur internet.
Les clients qui commandent régulièrement, et retournent occasionnellement les produits, devront donc payer pour ceux qui commandent 3 ou 4 produits à la fois, ou encore pour ceux qui souhaitent simplement profiter du produit commandé pendant 1 mois, et qui pourront le faire sans frais.
Ces mesures auront également un impact négatif sur la concurrence et donc le niveau de choix sur internet. Car si certaines structures auront la capacité financière d’absorber la hausse des coûts d’exploitation, toutes ne le pourront pas. Et surtout pas les PME. Ces mesures devraient donc sérieusement affecter la diversité de l’offre qui est un des principaux facteurs de concurrence sur internet.

Des mesures adoptées sans concertation des professionnels et sans étude d’impact économique
A aucun moment, pendant la phase d’élaboration du texte par la Commission européenne, il n’a été question d’imposer les frais de retour à la charge du vendeur. Il s’agit d’une disposition qui a récemment vu le jour, après plus de 2 ans d’élaboration.

A aucun moment, les professionnels du secteur n’ont été interrogés sur l’impact financier engendré par ces dispositions européennes.
A aucun moment, une étude d’impact économique n’a été menée pour anticiper les conséquences financières désastreuses pour l’un des rares secteurs qui connaît une progression et est créateur d’emplois.

Des mesures qui ne répondent plus à l’objectif premier de la proposition de  directive
Comment construire un marché intérieur et permettre le développement du commerce transfrontière si des dispositions manifestement excessives et disproportionnées menacent le développement du e-commerce et sa pérennité ?
Les mesures en question sont aujourd’hui critiquées par la plupart des organisations professionnelles en Europe. Comment construire un marché intérieur et permettre le développement du commerce transfrontière contre l’avis des professionnels ?
A partir de maintenant, si le Parlement européen, le Conseil de l’Union et la Commission européenne s’accordent, le texte sera adopté, en 1ère lecture, d’ici 2 mois.
La Fevad demande au gouvernement français de ne pas soutenir le texte adopté par la Commission IMCO et sollicite les autorités européennes pour ouvrir une concertation avec les professionnels du secteur.

 

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